"Ce n'est peut-être pas tout ce que nous espérions mais cette
décision de la conférence des parties est une étape essentielle", a
estimé le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, après deux
semaines de tractations chaotiques, un sommet à 130 chefs d'Etat et
une nuit de débats acides.
Samedi matin, la conférence a finalement "pris note" de l'Accord
de Copenhague, adopté vendredi soir par les chefs d'Etat de 28 pays
industrialisés et émergents. Un terme juridiquement et
politiquement moins engageant qu'une adoption formelle. Le fait de
'prendre note' "donne un statut légal suffisant pour rendre l'
accord opérationnel sans avoir
besoin de l'approbation des parties", a expliqué Alden Meyer,
directeur de l'Union of concerned scientists.
L'Accord de Copenhague, un document de trois pages à peine, fixe
comme objectif de limiter le réchauffement planétaire à 2 degrés
par rapport aux niveaux pré-industriels. Il prévoit également 30
milliards de dollars à court terme (années 2010, 2011 et 2012),
puis une montée en puissance pour arriver à 100 milliards de
dollars d'ici à 2020, destinés en priorité aux pays les plus
vulnérables afin de les aider à s'adapter aux impacts du
dérèglement climatique.
"Pas un contrat"
Même s'il prévoit la création d'un
fonds spécial et une enveloppe qui s'élèvera progressivement à 100
milliards de dollars d'ici à 2020, en priorité au profit des pays
les plus vulnérables, cet accord a été négocié en secret, derrière
des portes closes, en contradiction avec les règles multilatérales
des Nations unies.
"Il s'agit d'un accord politique entre chefs d'Etat, pas d'un
contrat, par lequel les dirigeants ont tenté de relancer la
machine", expliquait dans la nuit le ministre français de
l'Environnement, Jean-Louis Borloo.
Le Premier ministre danois Lars Loekke Rasmussen, qui présidait
les travaux, avait choisi de le soumettre à la plénière, ce qui a
déclenché une espèce de psychodrame au bout duquel tombe finalement
ce fait de "prendre note".
Débats émotionnels
Le débat au cours de la nuit a fait rage, l'émotion l'emportant
souvent sur la raison. Impuissant, les yeux rougis de fatigue, le
premier ministre danois Lars Loekke Rasmussen qui présidait
l'ultime session plénière, a dû se contenter depuis sa tribune de
passer le micro pour une litanie d'invectives.
Le petit archipel de Tuvalu, dans le Pacifique sud, a attaqué
bille en tête. En profond désaccord avec le texte, qui fixe un
réchauffement maximal à 2 degrés, son représentant le compare "à
une poignée de petite monnaie pour trahir notre peuple et notre
avenir". Les petites îles militent pour que le réchauffement soit
contenu à 1,5 degrés, sous peine d'être envahies par les flots.
La Bolivie, Cuba, le Venezuela - dont
la représentante s'est taillé un doigt pour se faire entendre -,
ont accusé ensuite Lars Rasmussen d'avoir "fait obstacle à la
démocratie et à la transparence" et conduit "un coup d'Etat contre
les Nations unies". Le représentant du Soudan, Lumumba Stanislas
Dia-Ping, a lui comparé le plan climat des chefs d'Etat à
l'Holocauste: cette déclaration "est une solution fondée sur des
valeurs qui ont envoyé six millions de personnes dans les fours en
Europe".
"Répugnant", s'est insurgé le ministre britannique de
l'Environnement, Ed Miliband, venu s'asseoir sur les bancs
américains. "Méprisable", a ajouté la Suède. La France dit elle
avoir défendu "jusqu'au bout" l'objectif d'un degré et demi: "Un
seul grand pays s'y est opposé", faisant allusion à la Chine.
Il a critiqué l'absence de quelque engagement susceptible de
traduire cet accord politique en traité juridiquement contraignant:
"il n'y a plus aucune référence scientifique, pas de vision à long
terme, et il n'y a qu'une série d'annonces de mesures nationales,
totalement volontaires et que personne ne contrôlera, et qui ne
seront de toutes manières pas à la hauteur des recommandations de
la science".
2010, nouvel horizon incertain
La question restait posée samedi au lever du jour sur l'avenir
des négociations pour 2010. La déclaration appelle à la conclusion
d'un accord complet d'ici à la fin 2010.
Mais la conférence devait encore s'entendre sur le calendrier et
le format des travaux à venir, et adopter des décisions de
procédure, alors que la chancelière allemande a proposé
d'accueillir le prochain round en juin, à Bonn.
Pour l'heure, l'amertume des pays en développement rejoint celle
de la presse européenne et des ONG qui
stigmatisent l'échec du sommet.
agences/ther
Moritz Leuenberger ne parle pas d'échec
Le résultat est maigre mais positif: c'est ainsi que le ministre de l'environnement Moritz Leuenberger a réagi à l'issue de la Conférence des Nations unies sur le climat.
L'Accord de Copenhague va dans le bon sens mais il ne remplit pas les objectifs visés, a communiqué samedi son département. "On a fait un pas en avant en matière de politique climatique", a déclaré Moritz Leuenberger dans un entretien à la Télévision alémanique.
"Les pays qui produisent plus de 90% des émissions de CO2 au niveau mondial se sont engagés à les réduire, largement pour certains, pas assez pour d'autres, dont les Etats-Unis. C'est déjà ça", relève le conseiller fédéral, qui avait fait le déplacement de Copenhague.
Le chef du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) regrette qu'un consensus ne puisse apparemment pas se dégager d'une gigantesque organisation comme les Nations Unies. D'autres règles doivent probablement être fixées.
Du point de vue suisse, l'issue de la conférence signifie qu'il faut maintenir l'objectif actuel de diminution des émissions de CO2.
Si la Suisse "peut accepter l'Accord de Copenhague", elle regrette le manque de calendrier précisant le moment où la concentration de gaz à effet de serre dans l'atmosphère doit avoir atteint son maximum. Elle aurait aussi souhaité que la définition des objectifs mondiaux de réduction pour 2020 et 2050 figure dans l'accord.