La vie des 83 millions d'Iraniens et Iraniennes est devenue beaucoup plus difficile depuis le 8 mai 2018, jour où les Etats-Unis se sont retirés de l'accord sur le nucléaire, et réinstauré des sanctions sur la République Islamique d'Iran.
Depuis, le prix des marchandises dans le pays a doublé, triplé voire quadruplé. C'est le cas par exemple de denrées comme les pistaches et les amandes, aliments de base en Iran. "Du coup, le prix de toutes les confiseries a augmenté", explique un vendeur du bazar central de Téhéran, dont les clients repartent avec des sachets plus légers.
Certains ne font que regarder les marchandises. Comme cette jeune institutrice dont le salaire de fonctionnaire ne suffit plus à faire vivre sa famille. Même la classe moyenne a vu son pouvoir s'effondrer. Mais pas question de se plaindre. "Nous sommes un peuple qui sait résister aux difficultés", argue-t-elle.
Sous l'apparente normalité de la vie quotidienne, un vent d'inquiétude est perceptible chez les passants, qui évitent de répondre aux questions ou de passer devant la caméra. Ceux qui acceptent de témoigner affirment ne pas avoir peur, et prétendent que la situation va s'améliorer.
Mais, sous couvert de l'anonymat, ils osent afficher une certaine défiance vis-à-vis des autorités. Pour beaucoup, les dirigeants, aussi bien iraniens qu'américains, mènent un jeu politique au détriment de la population.
Une économie vacillante
Depuis le retour des sanctions américaines, le taux de chômage a fortement augmenté, passant de 11,8% en 2017 à 15,4% en 2019, selon les chiffres du Fond Monétaire International (FMI).
L'inflation, qui entraîne la hausse des prix et une dépréciation de la monnaie, a atteint des niveaux spectaculaires, avec un pic à +40% en novembre passé, allant jusqu'à +60% sur l'alimentation. Le prix des voitures a quadruplé, celui du tabac affiche +150%. Le FMI a également noté une récession dans le pays de -6% en 2019.
Et pour cause, les sanctions ont totalement coupé les transactions bancaires avec l'étranger, provoquant une paralysie du commerce. Il s'avère très difficile de changer son argent en monnaie locale, les bureaux de change n'acceptant parfois pas les Euros.
Des situations incongrues découlent de ce blocus, comme ce photographe qui ne peut pas publier son livre car le papier est devenu trop cher. Ou ce journal qui a dû licencier 30 journalistes pour les mêmes raisons. Ou encore cet architecte qui a perdu son emploi faute d'outils de mesure.
Le contre-effet des sanctions
Pour continuer à se procurer certaines denrées, un marché noir s'est développé au sein de la population, mais aussi au niveau des entreprises encore sur place qui cherchent des moyens de contourner les sanctions.
"Les sanctions ne sont pas nouvelles en Iran. Contrairement à d'autres exportateurs pétroliers, ce pays a une vraie industrie", tempère Thierry Coville, chercheur à l'IRIS, l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques dans l'émission Forum.
"Les sanctions conduisent à un contre-effet qui est celui de pousser certains secteurs à se développer. Empêchée de vendre son pétrole en Occident, l'Iran s'est tournée vers ses pays voisins comme l'Irak et l'Afghanistan, mais aussi vers des pays asiatiques comme la Chine. Les sanctions ont donc un effet catastrophique sur un plan macro-économique, mais c'est un pays qui arrive à s'adapter et à survivre."