Les affrontements entre la police et des manifestants hostiles
au président Mahmoud Ahmadinejad ont fait au moins cinq morts,
selon plusieurs sites d'opposition. La police a procédé à 300
interpellations. Ces émeutes sont les plus sanglantes depuis les
grandes manifestations de juin qui avaient suivi la réélection
contestée du président iranien Mahmoud Ahmadinejad.
Le neveu de Mir Hossein Moussavi a été tué d'une balle dans la
région du coeur, selon le site des parlementaires de l'opposition
Parlemannews.ir. Trois des quatre autres victimes recensées
auraient également été tuées par des "tirs directs", selon
Rahesabz, l'un des principaux forums de l'opposition iranienne. La
télévision officielle iranienne a de son côté confirmé "plusieurs
morts" dans les heurts.
La police a toutefois implicitement démenti que les décès soient
liés à la répression des forces de l'ordre. "Une des victimes a été
tuée en tombant d'un pont, deux autres dans un accident de voiture,
et une a été tuée par balle", a affirmé le chef-adjoint de la
police à la télévision. "Comme la police n'a pas utilisé d'armes à
feu, ce décès est suspect et une enquête est en cours", a-t-il
ajouté.
Célébrations de l'Achoura
Les manifestations se sont
déroulées sur la grande avenue Enghelab traversant la capitale
d'est en ouest, théâtre des grands rassemblements de juin contre
Mahmoud Ahmadinejad. Des dizaines de milliers de manifestants ont
envahi simultanément différents points de cette avenue, prenant
parfois les forces de l'ordre par surprise, selon de nombreux
témoignages.
Pour pouvoir se rassembler rapidement, les opposants ont profité
de l'affluence liée aux nombreuses cérémonies de l'Achoura, journée
de deuil religieux commémorant le martyre de l'imam Hossein, figure
centrale du chiisme. De nombreux affrontements ont opposé
manifestants et forces anti-émeute sur toute la longueur de cette
artère d'une dizaine de kilomètres.
Les manifestants ont allumé de nombreux incendies pour se protéger
des gaz lacrymogènes et ralentir les assauts des policiers auxquels
ils jetaient des pierres, érigeant parfois des barricades comme
près de la place Azadi (ouest). Les opposants ont parfois débordé
les forces anti-émeutes, malgré l'aide de nombreux policiers en
civils et bassidjis qui poursuivaient et frappaient les
manifestants jusque dans les rues voisines.
Calme de retour en soirée
"Nous nous battrons, nous mourrons mais nous reprendrons
l'Iran", scandaient les manifestants, criant aussi: "C'est le mois
du sang, et les bassidjis vont tomber", double allusion au mois de
deuil de Moharram dont l'Achoura est le point culminant et à la
milice du régime islamique utilisée par le gouvernement contre les
manifestants.
Selon d'autres témoignages recueillis par l'AFP, des véhicules et
motos de police ont été incendiés par les manifestants qui
scandaient "mort au dictateur". Plusieurs policiers ont été
blessés, selon ces témoins. En soirée, le calme était revenu dans
les rues du centre de Téhéran, la ville étant quadrillée par un
important dispositif policier.
Contre-manifestation à Téhéran
D'autres affrontements violents ont eu lieu dimanche en
province, notamment à Ispahan, Najafabad, Arak (centre), Shiraz
(sud), Babol (nord), Machhad (nord-est) et Tabriz, selon Rahesabz.
Le site d'opposition a évoqué des "informations non confirmées"
faisant état de quatre morts dans cette grande ville de l'ouest de
l'Iran lors de ces affrontements.
Les partisans du pouvoir ont eux aussi défilé à Téhéran. Plusieurs
milliers de personnes ont organisé une contre-manifestation
dimanche dans le centre de Téhéran, selon des témoins. Ces
manifestants ont défilé sur une portion de l'avenue Enghelab. Ils
scandaient des slogans favorables au guide suprême iranien,
l'atyatollah Ali Khamenei.
afp/dk
Washington et Paris condamnent les violences
La Maison Blanche a condamné "la répression violente et injuste de civils cherchant à exercer leurs droits universels en Iran" et le ministère français des Affaires étrangères s'est élevé contre "les arrestations arbitraires et les violences commises contre de simples manifestants".
Un journaliste syrien disparaît à Téhéran
Un journaliste syrien travaillant pour la chaîne de télévision Dubaï TV, Reza al-Bacha, a disparu dimanche à Téhéran alors qu'il couvrait les manifestations de l'opposition dans le centre de la capitale, a indiqué l'un de ses collègues à l'AFP.
"Il a contacté sa famille vers 11h00 (06h30 GMT) pour dire qu'il était bloqué" dans le centre ville, et "ensuite ses téléphones sont restés éteints", a indiqué ce collègue qui a requis l'anonymat. Les collègues de Reza al-Bacha, alertés, ont contacté le bureau de la presse étrangère au ministère de la Culture et de la guidance islamique, a ajouté la même source.
"La dernière chose que l'on nous a dite était que Reza al-Bacha ne figurait pas parmi les morts ni les blessés, et qu'il avait très probablement été arrêté", a-t-elle ajouté. Les autorités interdisent en principe aux journalistes travaillant pour la presse étrangère de se rendre sur le lieux de manifestations de l'opposition.
Mais celles de dimanche, non annoncées, ont éclaté simultanément en plusieurs endroits du centre ville, alors que de nombreuses processions et rassemblements se déroulaient à l'occasion du deuil chiite de l'Achoura habituellement largement couvert par les médias étrangers.
Un journaliste de l'AFP avait été arrêté dans des circonstances similaires le 4 novembre dernier, alors qu'il s'était rendu sur les lieux d'une manifestation officielle autorisée à proximité de laquelle des opposants avaient commencé à manifester. Il avait été détenu pendant quatre jours par les autorités avant d'être libéré.