Publié

Une chaîne TV "Brexit-free" pour changer les idées aux Britanniques

La chaîne britannique vient au secours de ceux qui n'en peuvent plus du Brexit. [Twitter]
La chaîne britannique Sky News propose des nouvelles garanties 100% sans Brexit / Tout un monde / 6 min. / le 23 octobre 2019
Un tiers des Britanniques fuient désormais les journaux d'information, fatigués des nouvelles sur le Brexit. Fort de ce constat, la chaîne de TV Sky News vient de lancer un canal d'information qui ne parle jamais du sujet.

Cette chaîne garantie 100% sans Brexit est proposée de 17h00 à 22h00 du lundi au vendredi. Elle permet aux téléspectateurs de regarder les nouvelles du monde sans un mot sur la sortie de l'Union européenne. Elle a été lancée mercredi dernier, quelques heures à peine avant que l'Union Européenne trouve un accord avec le Premier ministre britannique Boris Johnson sur le Brexit.

>> Lire : Les 27 de l'UE ont adopté l'accord de Brexit trouvé avec Londres

Une pratique des pays non démocratiques

Pour le sociologue des médias Jean-Marie Charon, c'est a priori du jamais vu: "Ce genre de situation peut se produire dans des pays non-démocratiques où l'actualité sociale ou des événements politiques importants peuvent être rejetés par l'intervention du pouvoir politique", souligne-t-il mercredi dans l'émission Tout un monde. "Mais en démocratie, s'il y a des impasses en matière d'actualité, ce sera souvent sur des événements importants mais à l'égard desquels les rédactions en chef considéreront que leur public n'est peut-être pas très sensible ou moins sensible à ce genre d'actualité."

Et ces impasses se font en général sur l'actualité internationale, face à une situation répétitive, dure et anxiogène, comme par exemple au moment du siège d'Alep en Syrie.

Impact sur le moral des Britanniques

Sky News assume ce parti pris sur la base d'un constat établi par une étude publiée durant l'été: un tiers des Britanniques ne regardent plus les informations et 70% d'entre eux accusent le Brexit d'avoir un impact négatif sur leur moral.

"Depuis trois ans, les Britanniques en ont eu assez et c'est assez clair que, pour une chaîne de télévision, éviter le Brexit est assez rentable", relève le journaliste Michael Binyon, éditorialiste au Times.

Pour Jean-Marie Charon, cela traduit aussi un repli d'une partie du public, de la société, à l'égard de la sphère publique, des institutions et d'un certain nombre de grandes questions qui paraissent difficiles à résoudre. C'est un repli comme on le voit par rapport aux élections, estime le sociologue des médias: "Le fait de ne plus voter, voire de ne plus suivre l'actualité, devient effectivement quelque chose qui se répand. Peut-être que c'est ce phénomène-là qu'essaie de capter ou d'attirer cette chaîne."

Une question d'éthique avant tout

Beaucoup ont critiqué Sky en estimant qu'il fallait absolument donner les informations même si les Britanniques ne veulent pas les écouter. "C'est la même chose avec les journaux, par exemple", note Michael Binyon. "On sait très bien que même les lecteurs du Times sont assez fatigués par tout ça. Mais il faut continuer à suivre, à donner ces nouvelles." Pour le journaliste, il s'agit d'une question d'éthique et c'est aux journalistes de trouver des angles d'attaque.

Reste que le malaise est bien réel autour du Brexit au Royaume-Uni. "C'est vrai, il y a pas mal de gens anxieux maintenant, qui ont des craintes, sont pleins de doutes, sont en colère assez souvent", reconnaît Michael Binyon. "Et les familles sont divisées. Peut-être qu'éviter le sujet peut améliorer l'atmosphère en Grande-Bretagne. Peut-être."

Blandine Levite/oang

Publié

Un malaise identifié par une étude

La fondation de la santé mentale d'Angleterre et du pays de Galles a identifié ce malaise face au Brexit.

Selon une étude menée l'année passée, 40% des Britanniques se sentent impuissants, inquiets ou en colère à cause du Brexit.

Faible part de marché pour Sky News

Sky News est un bouquet de chaînes qui attire seulement 1% de part de marché. En comparaison, la chaîne BBC1 affiche 20% d'audience.

Le groupe Sky, qui propose aussi des chaînes dédiées au sport, n'en est pas à sa première chaîne éphémère. En 2017, il avait lancé une chaîne liée à une conférence sur les océans, qui n'avait duré qu'une semaine.