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Dans le Brésil de Jair Bolsonaro, la démocratie prise entre deux feux

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Le Brésil, un an après l'élection de Bolsonaro / L'actu en vidéo / 3 min. / le 28 octobre 2019
Président controversé, Jair Bolsonaro a multiplié les propos polémiques sur les armes, l'Amazonie ou encore les femmes. Mais à l'heure du bilan, un an après son élection, l'ancien militaire n'a qu'une réforme à son actif.

"Le Brésil n'est pas devenu une dictature, mais c'est clair que Bolsonaro n'a pas l'esprit très démocratique". Graziella Moraes Dias Da Silva doit bien l'admettre, les pires prédictions ne se sont pas réalisées dans son pays natal. Le président d'extrême droite a même réussi à faire passer la réforme des retraites, un dossier crucial pour la crédibilité financière du pays.

"C'est la seule bonne chose qu'il a faite", juge la sociologue interrogée par la RTS. Et encore, pour cette spécialiste des inégalités sociales, il s'agit d'une réussite en demi-teinte. Le texte adopté le 23 octobre au Sénat au terme de huit mois d'intenses tractations politiques ne touche par exemple pas au statut privilégié dont bénéficient les militaires et la police, ce qu'elle regrette.

Des milliards d'économies

Mais dans ce Brésil à l'économie morose, la réorganisation en profondeur du système - avec un âge légal de départ désormais fixé à 65 ans pour les hommes et 62 ans pour les femmes - a été accueillie avec un soupir de soulagement. Elle dégagera une économie de 800 milliards de réals (196,4 milliards de francs suisses) sur dix ans. Même si cela ne suffira certes pas à réduire le déficit du système des retraites, cela devrait rassurer les investisseurs étrangers.

Mi-septembre, le ministre brésilien de l'Economie Paulo Guedes s'est donné un à deux ans pour réparer "les dégâts" qu'il attribue à ses prédécesseurs. Ultra-libéral, il entend privatiser de nombreuses entreprises publiques, dont l'électricien Electrobras, et engager les sensibles réformes de la fiscalité et du statut des fonctionnaires.

La croissance de 2019 - la première année de l'administration Bolsonaro - devrait stagner au-dessous de 1%, à 0,9. Quant au chômage, en tendance baissière, il se situe encore autour de 11,8%. "Il y avait beaucoup d'attentes sur Bolsonaro au niveau de l'économie. Mais on s'aperçoit qu'il n'avait pas vraiment de plan. Or, il ne suffit pas de dire quelque chose pour que cela se réalise", commente Graziella Moraes Dias Da Silva.

Classes moyennes déçues

"Les dernières enquêtes montrent que les classes moyennes inférieures sont devenues plus pauvres", souligne-t-elle. Et si elle admet que tout ne peut pas être attribué à Jair Bolsonaro, elle estime que les mesures qu'il a proposées jusqu'ici n'ont pas aidé à améliorer la situation.

>> Le reportage de Stephen Mossaz, envoyé spécial à Rio :

Jair Bolsonaro est à la tête du Brésil depuis un an. Au fil des mois il a perdu son état de grâce.
Jair Bolsonaro est à la tête du Brésil depuis un an. Au fil des mois il a perdu son état de grâce. / 19h30 / 3 min. / le 28 octobre 2019

Conséquence: la popularité du président a fortement diminué depuis son investiture, en janvier 2019. Parmi les classes moyennes qui ont voté pour Bolsonaro, le projet de TVA -qui accroîtrait encore les inégalités- fait grincer des dents.

>> Lire notre article : Derrière l'élection présidentielle au Brésil, le spectre des inégalités

D'aucuns sont également déçus de l'annulation des deux décrets sur la libéralisation du port d'armes, la principale promesse de campagne du candidat Bolsonaro - et son premier acte présidentiel.

Mais s'il a promis de revenir à la charge, le président du Brésil a été -sur ce chapitre- rattrapé par la démocratie dans son pays. "Depuis un an, il y a eu un changement à l'exécutif et, même si on en a moins parlé, aussi au Congrès", observe Graziella Moraes Dias Da Silva. "Il est plus représentatif des Brésiliens, il y a plus de femmes, plus de femmes noires". Globalement, les institutions démocratiques ont fonctionné, constate-t-elle avec satisfaction.

Mobilisation citoyenne

Et puis la société brésilienne s'est mobilisée quand les feux amazoniens ont noirci le ciel de Sao Paulo. Peuples indigènes, associations environnementales, féministes, démocrates: à plusieurs reprises ces derniers mois, Jair Bolsonaro a heurté son opinion publique avec ses propos conservateurs, ses provocations à la Trump, sur les réseaux sociaux, et ses déclarations chocs.

Ses critiques sur le physique de Brigitte Macron, la première Dame de France, par exemple, ont beaucoup choqué. "Il est apparu au grand jour que, pour lui, les femmes n'ont pas d'autres rôles que faire joli", commente la professeure du Graduate Institute. "Il a d'ailleurs éliminé toutes les politiques axées sur les femmes pour se concentrer sur les politiques familiales", précise-t-elle.

Déforestation à gogo

Quant à l'environnement, faut-il rappeler que Jair Bolsonaro a d'abord refusé l'aide internationale pour éteindre les incendies qui ravageaient l'Amazonie, préciser qu'il a nié les données publiées par ses propres services sur la déforestation?

De janvier à septembre 2019, la surface des zones déboisées a quasiment doublé au Brésil, selon l'Institut national de recherche spatiale (INPE). Au total, quelque 10'000 kilomètres carrés de forêt pourraient avoir disparu cette année. Et face à ce drame écologique et humain, les écrans de fumée coûtent cher. Fin août, il n'y avait plus qu'un Brésilien sur trois pour soutenir l'action du gouvernement.

>> Les précisions de Stephen Mossaz, envoyé spécial à Rio :

Steven Mossaz: "Jair Bolsonaro accuse Greenpeace d'être à l'origine de la marée noire. Il la qualifie d'attentat écologique."
Steven Mossaz: "Jair Bolsonaro accuse Greenpeace d'être à l'origine de la marée noire. Il la qualifie d'attentat écologique." / 19h30 / 1 min. / le 28 octobre 2019

Article et vidéo web: Juliette Galeazzi

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