A l'issue d'un dépouillement interminable, le président sortant s'est adressé à ses concitoyens depuis La Paz. "Nous avons gagné au premier tour", s'est-il exclamé en affirmant que le décompte officiel portant sur 98% des bulletins lui donnait 46,83% des voix contre 36,7% à Carlos Mesa.
Le Tribunal suprême électoral (TSE) avait déjà confirmé un peu plus tôt que le leader de la gauche avait les dix points d'avance nécessaires pour s'épargner un 2e tour face au candidat libéral.
Une claire dérive autoritaire
Pour Laetitia Perrier Bruslé, spécialiste de la Bolivie, on peut clairement parler de dérive autoritaire de la part de celui qui préside le pays depuis 2005. Interviewée jeudi dans le 12h30, la géographe française souligne d'abord l'aspect largement illégitime de sa nouvelle candidature.
En 2016, rappelle-t-elle, les Boliviens avaient clairement rejeté, par référendum, la possibilité d'un 4e mandat à Evo Morales. "Et en dépit de cette réponse négative, Evo Morales s'est présenté, premier signe d'une dérive autoritaire."
Le deuxième signe tient au processus électoral, "qui ne s'est pas déroulé dans de bonnes conditions", selon les observateurs sur place. "Le tribunal suprême électoral a arrêté de compter les voix pendant plus de 24 heures au moment où le résultat était plutôt en faveur d'un deuxième tour. Et quand le comptage a recommencé, Evo Morales avait plus de dix points d'avance."
Affrontements et grève générale se poursuivent
Mercredi soir, de nouveaux incidents ont éclaté dans la capitale bolivienne entre forces de l'ordre et manifestants près de l'hôtel hébergeant les membres du tribunal.
Des protestataires proches de l'opposition ont également bloqué les axes de Santa Cruz (est), capitale économique d'où est partie la grève nationale diversement suivie à travers le pays. De violents affrontements ont opposé pro et anti-Morales dans un quartier de Santa Cruz tenu par des partisans du président, faisant au moins deux blessés.
Le paradoxe du bilan économique positif
La situation en Bolivie n'a cependant rien à voir avec ce qui se passe ces jours au Chili. "On serait tenté de faire des parallèles, mais la situation bolivienne est tout à fait différente", explique Laetitia Perrier Bruslé. "Le bilan économique et social d'Evo Morales - est c'est le paradoxe - est un bon bilan. La classe moyenne est sortie fortifiée de cette période de croissance économique", rappelle la géographe.
"Donc, les gens qui sont dans la rue aujourd'hui ne sont pas inquiets quant à leur pouvoir d'achat ou leur position sociale qui se serait dégradée. Ils sont dans la rue pour demander plus de démocratie et pour contester la politique qui a été menée ces cinq dernières années par Evo Morales."
afp/oang