La décision du Conseil fédéral est tombée au lendemain de la
confirmation du Gouvernement jurassien de son intention
d'accueillir les deux hommes. La large majorité qui s'est exprimée
au Parlement en faveur de ce projet renforce encore le côté
démocratique du processus, a relevé Eveline Widmer-Schlumpf devant
les médias.
La Grisonne a insisté sur le fait que l'accueil des deux
Ouïgours s'inscrit dans la tradition humanitaire de la Suisse. Cet
aspect a primé sur les considérations de politique extérieure lors
des réflexions et de la pesée des intérêts. Et de rappeler que la
Confédération s'est toujours exprimée de manière critique à l'égard
du camp américain de Guantanamo.
"Aucun danger pour la Suisse"
La ministre de la Justice n'a
toutefois pas manqué d'assurer que le Conseil fédéral veut
continuer d'entretenir de bonnes relations tant avec les Etats-Unis
qu'avec la Chine. "Nous n'avons pas décidé pour ou contre un Etat,
mais conformément à nos traditions." Malgré les différends actuels
autour de l'UBS, aucune contrepartie n'a été négociée avec
Washington, a-t-elle ajouté.
Tous les critères posés en matière de santé, de potentiel
d'intégration et surtout de sécurité pour l'accueil d'ex-détenus de
Guantanamo sont remplis. Au regard des enquêtes menées et des
informations récoltées, "on peut dire que ces deux hommes ne
présentent aucun danger pour la Suisse."
Les deux frères, détenus par les Américains depuis 2001,
respectivement 2002, n'ont été ni accusés ni condamnés. Aucun
élément n'indique qu'ils ont été ou sont en contact avec des
milieux terroristes. En 2005, Washington les a déclaré aptes à être
accueillis par un autre Etat.
Bonne capacité d'intégration
D'un point de vue pratique, ces deux membres de la minorité
musulmane de Chine disposent de qualifications professionnelles
"solides". Ils veulent travailler et apprendre le français. Ce qui
doit leur permettre, à terme, de subvenir à leurs besoins. En
attendant, les Etats-Unis participeront à "une bonne partie" des
coûts. Le reste sera à la charge de la Confédération, a expliqué
Eveline Widmer-Schlumpf.
L'Office fédéral des migrations a désormais reçu le mandat
d'approuver l'octroi des autorisations de séjour. Les deux Ouïgours
devraient arriver dans un mois environ. Cela porte à trois, comme
prévu, le nombre d'ex-détenus de Guantanamo accueillis par la
Suisse à titre humanitaire. Un Ouzbek vit déjà dans le canton de
Genève depuis la semaine dernière.
En ce qui concerne le plan politique, "je pense qu'on a clos le
dossier aujourd'hui", a répondu la conseillère fédérale à la
question de savoir si la Confédération était susceptible de prendre
d'autres anciens prisonniers de l'île cubaine. Reste la procédure
d'asile normale. Des demandes - toujours en cours d'examen - ont
été déposées à ce niveau, notamment de la part d'un Algérien.
ats/dk
La Chine "résolument contre" cet accueil
La Chine est "résolument contre la décision du Conseil fédéral" d'accueillir en Suisse deux ex-détenus ouïgours de Guantanamo. C'est ce qu'a déclaré mercredi un porte-parole de l'ambassade de Chine à Berne.
Le gouvernement chinois s'oppose à la décision helvétique "parce qu'elle ne correspond pas aux intérêts fondamentaux des deux pays", a poursuivi le porte-parole. La Chine n'a toutefois pas voulu justifier sa réaction.
Elle avait demandé à la Suisse de ne pas accueillir ces deux frères ouïgours, qui appartiennent à la minorité musulmane opprimée en Chine. Pour Pékin, "les terroristes présumés de nationalité chinoise, quelles que soient leur ethnie, doivent être rapatriés en Chine".