"Tout a basculé" dans l'émotion de ce moment, neuf jours après
que le dernier président du régime ségrégationniste, Frederik De
Klerk, eut annoncé la libération des prisonniers politiques, a
déclaré devant le Parlement au Cap l'actuel chef de l'Etat Jacob
Zuma.
Nelson Mandela présent
"Continuons de viser l'idéal pour lequel Madiba (le nom de clan
de Nelson Mandela) a combattu toute sa vie, celui d'une société
libre et démocratique", a ajouté Jacob Zuma, élu en mai dernier.
"Renouvelons notre engagement à bâtir un avenir meilleur pour tous
les Sud-Africains, noirs et blancs", a-t-il lancé, promettant de
relever la gageure d'inégalités croissantes.
Nelson Mandela, aujourd'hui âgé de 91 ans et de santé fragile,
écoutait le discours en compagnie de sa 3e épouse Graça Machel
depuis la tribune de l'Assemblée. Frederik De Klerk, avec lequel
Nelson Mandela a négocié la transition pacifique vers la
démocratie, puis partagé le Prix Nobel de la paix en 1993, avait
également été invité.
Foule en liesse
Plus tôt, des milliers de
Sud-Africains en liesse ont célébré les vingt ans de la libération
de leur icône, qui a passé 27 ans emprisonné, devant son dernier
lieu de détention, la prison de Drakenstein, à Paarl, près du Cap
(sud-ouest). "Le jour où Nelson Mandela a émergé en homme libre de
la prison (...), notre espoir collectif a pris essor", a déclaré
l'ancien archevêque anglican du Cap Desmond Tutu. "Ce jour-là
portait la promesse que notre indignité allait prendre fin", a-t-il
ajouté, sous les vivas.
Nelson Mandela n'a pas assisté à cette cérémonie. Malgré son
absence, son image était au centre de la fête: une immense statue
en bronze le représentant, sortant de la prison le poing brandi
vers le ciel, dominait le rassemblement. Dans la foule, où
flottaient de nombreux drapeaux noir-vert-or du Congrès national
africain (ANC), le parti de Mandela, se pressaient des héros de la
lutte historique du peuple noir, qui étaient aussi présents au même
endroit le dimanche 11 février 1990, au jour de sa libération.
De l'euphorie à la réalité
Nelson Mandela est devenu en 1994 le premier président noir de
l'Afrique du Sud. Le processus de réconciliation qu'il a mené
pendant ses années au pouvoir (1994-1999) a permis d'unifier une
nation divisée et posé les premières pierres de la démocratie.
Mais la situation actuelle du pays n'est pas idéale . Actuellement, malgré 17 années de
croissance économique, le taux de chômage reste au-dessus de 20% de
la population active. Et des millions de membres de la communauté
noire continuent de vivre dans des bidonvilles avec un accès limité
à l'eau courante, à l'électricité et à la santé. Le nombre de cas
de sida en Afrique du Sud est l'un des plus élevés au monde.
agences/cer
Une journée très mouvementée
"C'était un peu la pagaille et il faut vous dire que nous n'y étions pas préparés", a témoigné Cyril Ramaphosa, un homme d'affaires qui était l'un des responsables de l'ANC à l'époque de la libération de Nelson Mandela.
Encore interdit neuf jours auparavant, l'ANC n'avait eu que vingt-quatre heures pour se préparer à la libération de Mandela.
Cyril Ramaphosa et d'autres membres du parti avaient rejoint le Cap à bord d'un avion affrété pour l'occasion.
Les militants de l'ANC présents avaient été priés de mettre des costumes et prendre un air décidé pour assurer un semblant de sécurité autour du détenu libéré.
Mais quelques minutes après la diffusion des images dans le monde entier de sa libération, Mandela était avalé par la foule.
"Nous l'avons perdu en route", a expliqué Cyril Ramaphosa.
Les responsables de l'ANC avaient fini par retrouver Mandela, prenant le thé, pieds nus, chez l'un de ses partisans.
Les organisateurs l'avaient alors escorté jusqu'à une tribune où il avait prononcé ses premiers mots en public devant des dizaines de milliers de personnes.