Publié

"Les Etats-Unis sont en état de guerre civile virtuelle"

Géopolitis: Trump, stop ou encore? [Reuters - Christian Hartmann]
Trump, stop ou encore? / Geopolitis / 26 min. / le 27 octobre 2019
Un an avant l’élection présidentielle américaine, le pays est divisé et la campagne promet d'être virulente. Entre la procédure d'impeachment et le retrait militaire en Syrie, Donald Trump doit faire face à de nombreux défis.

Donald Trump parviendra-t-il à se maintenir au pouvoir en 2020? Officiellement en campagne depuis le mois de juin, le président américain se révèle toujours plus incontrôlable et n'hésite pas à attaquer directement ses adversaires sur Twitter comme lors de ses discours. "La campagne ne sera pas belle", prédit Gérard Araud, ex-ambassadeur français à Washington et invité de Géopolitis. "Donald Trump n’a aucune limite, aucun scrupule", affirme-t-il.

Donald Trump n’a aucune limite, aucun scrupule.

Gérard Araud

Sous le mandat de Donald Trump, les divisions qui traversent le pays se sont exacerbées, pour Gérard Araud, qui n'hésite pas à parler d'une "polarisation hystérique" de la société. "Il y a une guerre civile virtuelle, précise-t-il, entre les soutiens du président et le reste des Américains." Et dans cette "guerre", Donald Trump peut compter sur une base sûre d'électeurs acquis à sa politique. "Plus de 90% de ses électeurs de 2016 sont prêts à revoter pour lui, souligne Gérard Araud. C'est le plus haut pourcentage qu'on ait eu depuis les 50 dernières années."

Mais pour remporter l'élection, Donald Trump devra élargir sa base électorale estimée entre 35 et 37%. Selon Gérard Araud, tout dépend du choix du candidat démocrate. La primaire est en cours mais deux candidats semblent favoris pour la remporter: Joe Biden, l'ancien vice-président de Barack Obama, et Elizabeth Warren qui soutient, selon Gérard Araud, une forme de populisme de gauche face au populisme de droite porté par Donald Trump.

La politique étrangère s'invite dans la campagne

Plusieurs dossiers internationaux pourraient aussi avoir un impact sur la campagne. Le président américain doit faire face à une procédure d’impeachment depuis le mois de septembre. C’est l'affaire ukrainienne qui a poussé les démocrates américains à lancer le processus qui tend encore plus les relations entre les deux camps politiques. Donald Trump a divisé aussi au sein de son propre camp lorsque le 6 octobre 2019 la Maison Blanche a annoncé le retrait des troupes américaines au nord de la Syrie.

Mais si la manière surprend, cette décision du président suit au final une stratégie de longue date de retrait partiel des Américains de la scène internationale: "Cela avait déjà commencé sous l'administration Obama", souligne Gérard Araud. "Nous avons eu deux présidents aussi différents qu'ils puissent être et qui ont tous les deux conclu à une lassitude de l’opinion publique américaine pour les engagements internationaux." On ne reviendra plus à "l’Amérique gendarme du monde", analyse l'ancien diplomate. Donald Trump est par contre allé bien plus loin que Barack Obama en suivant une "politique néo-isolationniste et nationaliste", explique Gérard Araud. "Il est indifférent aux alliances et, pour lui, le Royaume-Uni ou la Chine, c'est la même chose."

Antoine Pignarre/Elsa Anghinolfi

Publié

Un ambassadeur qui sort de sa réserve

Gérard Araud a occupé des postes prestigieux au sein de la diplomatie française. Il a été représentant au Conseil de Sécurité des Nations unies. En 2014, il a rejoint Washington comme ambassadeur de France aux Etats-Unis où il est resté jusqu'en mai 2019.

Après l’élection de Donald Trump, Gérard Araud n’hésite pas à exprimer son désaccord publiquement. Certains lui reprochent son manque de réserve. Il raconte une fonction diplomatique marginalisée: "Si vous êtes ambassadeur, vous n’avez aucun interlocuteur autorisé. Lorsque Paris a un message, il vaut mieux qu'Emmanuel Macron appelle directement la seule personne qui compte, c’est-à-dire Donald Trump".

Il a rejoint, il y a quelques mois, le secteur privé dans l’agence internationale de conseil en communication Richard Attias & Associés.