En Une, sous une grande photo d'Abou Bakr al-Baghdadi, Libération résume à sa manière les événements: "Le shérif flingue le calife".
Le Figaro parle d'une défaite symbolique pour le groupe Etat islamique, mais pas stratégique, car le rôle opérationnel de Baghdadi n'était probablement pas très important. Inlassablement traqué, il avait laissé à d'autres le soin de gérer au quotidien une structure en mutation depuis sa défaite territoriale. Comme Oussama Ben Laden dix ans plus tôt, Baghdadi avait comme priorité de survivre et de mobiliser ses sympathisants via des messages audio et vidéo devenus de plus en plus rares. Pour le quotidien français, l'organisation dispose encore d'atouts lui permettant de frapper au Levant, mais aussi sur d’autres continents.
Il Corriere della Sera rappelle de son côté le précédent Al-Qaïda: Ben Laden a été tué et Al-Qaïda demeure. Cela pourrait être la même chose avec Daech, dont les combattants sont prêts à toutes les situations difficiles, y compris la mort de leur guide suprême.
La stratégie américaine en question
La mort de Baghdadi est un succès, mais il ne lève pas les interrogations sur la stratégie américaine dans la région. C’est le constat du Monde, qui souligne les risques d’un retrait des forces spéciales américaines, car une telle opération n'est possible que grâce à une collaboration sur le terrain, notamment avec des éléments kurdes.
Analyse similaire dans l'Independent: le retrait partiel et chaotique des forces américaines dans le nord de la Syrie pourrait bien redonner un second souffle à l'EI. Baghdadi savait qu'il était en sursis et un plan d'urgence pour sa mort est en place depuis un certain temps. Le groupe terroriste était et est toujours profondément bureaucratique.
"Pas la fin de l'histoire"
Al-Baghdadi est mort, mais ce n’est pas la fin de l’histoire, estime l'éditorialiste Thomas Friedman dans le New York Times. Il est très critique à l’égard de la politique étrangère de Donald Trump et insiste sur le fait que le président américain n'a jamais rencontré un dictateur qu'il n'aimait pas.
Pour Thomas Friedman, Donald Trump est aveugle au fait que le prochain Al-Baghdadi est incubé aujourd'hui dans une prison égyptienne, où le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, que le dirigeant américain a appelé " mon dictateur préféré ", rassemble non seulement des djihadistes violents mais aussi des journalistes, des militants et des politiciens libéraux non-violents. Seul Donald Trump peut ainsi se vanter de vaincre Daech et penser qu'il ne reste plus qu'à protéger les puits de pétrole du Moyen-Orient et les dictateurs préférés de l'Amérique.
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Patrick Chaboudez/jvia
Les craintes du monde arabe
Si le monde arabe salue la mort d'Abou Bakr al-Bagdadi, l'heure est aussi à la préoccupation, que ce soit dans les médias ou sur les réseaux sociaux. Les observateurs estiment qu'il y aura peut-être des attentats en Occident en réaction à la mort du leader du groupe Etat islamique (EI), mais que c'est surtout le monde arabe qui sera le "champ de bataille".
L'Egypte est l'un des pays les plus préoccupés: à l'est, un groupe terroriste a prêté allégeance à l'EI, et à l'ouest, des milliers de combattants de Daech qui ont fui la Syrie se sont établis en Libye.
L'Egypte, l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis accusent, eux, le président turc Recep Tayyip Erdogan d'avoir soutenu Daech pour affaiblir ses voisins de Syrie et d'Irak.
La Turquie est, en revanche, encensée par la chaîne qatari Al-Jazeera, qui estime que "l'opération américaine n'a réussi que grâce à elle".
Les précisions d'Alexandre Buccianti, correspondant au Caire: