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Excréments humains, une économie cachée

Que deviennent nos excréments?
Que deviennent nos excréments? / L'actu en vidéo / 4 min. / le 10 novembre 2019
La journée officielle dédiée aux toilettes est prévue le 19 novembre. Le sujet peut faire sourire, mais il est très sérieux et comporte des enjeux environnementaux, économiques, sociaux et politiques.

Imaginer des convois, des wagons entiers, remplis de boues d'épuration. Le terme désigne principalement les matières fécales. Parce que les boues d'épuration sont les résidus solides qui subsistent après le traitements des eaux usées. Imaginez donc qu'une ville voisine envoie, dans votre commune, quelques wagons remplis de boues d'épuration, pour les déposer dans une décharge proche.

C'est ce qui est arrivé aux habitants de l'Alabama. Ils se sont retrouvés avec des tonnes d'excréments envoyés de New York sur leur territoire. L'image peut faire sourire, mais les conséquences sont bien réelles. Les nuisances olfactives et les mouches ont été si envahissantes que, dans certaines localités, il est devenu impossible de pratiquer un sport à l'extérieur. Sans parler des grillades.

Pourquoi New York refile-t-elle ses résidus fécaux à ses voisins? Les raisons sont d'ordre bureaucratique. Jusqu'à la fin des années 80, New York se débarrassait de ses boues dans l'océan Atlantique, à moins de 200 kilomètres de la côte. L'agence étatique de la protection de l'environnement estimait alors que ces boues se diluaient simplement, sans conséquence aucune. Avant de revoir son point de vue.

La gestion des matières fécales

Les règles deviennent alors plus strictes et le déversement dans l'océan est interdit. Il faut incinérer, réutiliser en engrais ou encore déposer en décharge. Raison pour laquelle New York s'est mis à expédier ses boues en Alabama, où les règles environnementales sont moins sévères et surtout le terrain bien moins cher.

Cette histoire n'est pas propre à New York. En Californie, le comté de Kern accueille bien malgré lui un tiers des boues de l'Etat. Mais cette histoire renvoie à un problème bien plus global, celui de la gestion des matières fécales que nous générons et que nous allons générer en quantités toujours plus grandes avec la croissance démographique.

Nous en produisons environ 150 grammes par jour et par personne, selon les scientifiques, donc 1,14 million de tonnes tous les jours à l'échelle mondiale avec une population de 7,6 milliards d'habitants.

>> Ecouter le sujet dans Tout un monde :

Dans les eaux usées de Genève.
Jay Louvion
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Que faire des 1.14 million de tonnes de résidus d'excréments produits chaque jour? / Tout un monde / 8 min. / le 31 octobre 2019

Comment gérer cette masse d'excréments? En Suisse, toutes les eaux usées, qu'il s'agisse d'eau de pluie de nos rues ou du contenu de nos toilettes, sont envoyées vers des stations d'épuration qui vont les trier. Par trier, il faut comprendre retirer les matières solides. Celles-ci sont ensuite déshydratées, puis incinérées. Les cendres sont récupérées, emballées et, pour partie, vont servir de combustible dans les fabriques de ciment. Les cendres produites par l'installation lausannoise de la STEP, elles, sont envoyées dans une décharge spéciale dans le canton de Berne, à Teuftal. C'est là qu'on tente d'en retirer le phosphore, essentiel à la fabrication d'engrais.

Une inégalité crasse

Dans les pays en développement, le système n'est pas toujours aussi perfectionné. Près d'un milliard de personnes dans le monde n'ont tout simplement pas accès à des toilettes d'aucune sorte, selon l'Organisation mondiale de la santé. Les excréments disséminés dans la nature polluent donc les eaux souterraines et posent notamment d'énormes problèmes de santé publique.

Des matières fécales versées en pleine nature au Burkina Faso. [SuSanA Secretariat / Flickr]
Des matières fécales versées en pleine nature au Burkina Faso. [SuSanA Secretariat / Flickr]

Chaque jour, près de 1000 enfants de moins de 5 ans meurent de diarrhée provoquée par une eau insalubre, des installations sanitaires insuffisantes et le manque d’hygiène, selon les chiffres de la Banque mondiale.

En l'absence de toilettes reliées à un réseau d'épuration ou de toilettes chimiques, on dispose de toilettes dont le conteneur devra être vidé souvent à la main. C'est le cas en Inde où ce métier, officiellement interdit, est encore courant.

L'organisation de travailleurs SKA estime que 770'000 personnes ont pour métier de vider les toilettes publiques à mains nues pour en transporter le contenu par paniers dans une décharge. Et dans ces pays, on ne se concentre même pas sur les boues ou les cendres d'épuration.

"En Inde, avant même de penser à ce qui va être fait des boues, il faut déjà les collecter", affirme Frédéric Juillard, patron de l'entreprise Trea Tech, spécialisée dans la revaloristaion des boues. "En Suisse, par exemple, environ 98% des habitants sont connectés au réseau d'assainissement. C'est seulement 12% en Inde."

Les conséquences économiques

La Banque mondiale estime que seul un peu plus d'un tiers de la population du monde a accès à des installations sanitaires efficaces, reliées à un système de recyclage ou d'incinération par exemple. Chaque année, plus d'un million et demi de personnes meurent victimes de conditions sanitaires insuffisantes. Ces morts et les maladies ont bien sûr un coût. La Banque mondiale estime à 260 milliards de dollars annuels les coûts qui se répercutent inégalement sur l'économie des différents pays.

Mais les excréments peuvent également se transformer en produits commercialisables et donc rentables. On cherche aujourd'hui à réutiliser nos matières fécales. On pense bien sûr aux engrais, mais il existe aussi d'autres solutions. Les boues séchées peuvent par exemple servir de matériaux de construction, ajoutées à du ciment ou transformées en briques.

Les selles humaines servent aussi à la production de bioplastiques qui peuvent être utilisés dans des imprimantes 3D. C'est d'ailleurs le projet d'une université canadienne qui propose aux astronautes de réutiliser leurs propres excréments pour en faire un composant de base d'un bioplastique. De quoi transformer les selles en petites cuillères par exemple.

On peut même imaginer un monde idéal dans lequel nos excréments seront entièrement réutilisés. Frédéric Juillard y croit. "Les seules choses nocives dans les excréments, ce sont les restes de médicaments. Il y a quelques micromolécules à retirer, mais le reste est un fertilisant parfait pour l'agriculture. C'est un cycle qui est proche d'être fermé".

Katja Schaer/Pascal Wassmer

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L'Inde débarrassée de la défécation en plein air, affirme son Premier ministre

L'Inde est débarrassée du problème de la défécation en plein air, a assuré le 2 octobre son Premier ministre Narendra Modi, à l'origine d'un vaste plan d'installation de latrines, dont le nombre demeure toutefois insuffisant et dont beaucoup sont inutilisées.

"En 60 mois, on a donné accès aux toilettes à 600 millions de personnes (sur 1,3 milliard d'habitants, ndlr), plus de 110 millions de toilettes ont été construites", s'est exclamé Narendra Modi devant 20'000 chefs de villages rassemblés à Ahmedabad (ouest).

Le gouvernement indien a officiellement consacré 20 milliards de dollars à ce plan sanitaire destiné à remédier aux effets de la défécation en plein air, qui touche surtout les zones rurales.

afp

La Finlande mise sur les déjections pour produire de l'énergie

Produire de l'énergie propre grâce aux excréments d'animaux: en Finlande, plusieurs compagnies d'électricité se sont tournées vers cette source d'énergie jusque-là inexploitée pour réduire l'empreinte carbone.

En cette fin d'octobre, la capitale finlandaise accueille l'Helsinki International Horse Show, un concours hippique international de saut d'obstacles. Durant les quatre jours de compétition, cent tonnes de fumier de chevaux ont été chargées et transportées dans deux grands conteneurs, avant d'être incinérées dans une centrale électrique.

Les 150 mégawatts d'énergie produits par les déjections ramassées durant la compétition suffisent largement à alimenter l'ensemble du concours, selon le producteur finlandais d'énergie Fortum, qui a lancé son projet baptisé "Horse Power" ("puissance des chevaux") il y a cinq ans.

Le groupe affirme que les déjections quotidiennes de deux chevaux suffisent à produire de la chaleur pour une maison familiale pendant un an. Et seulement 200 millilitres d'excréments suffisent pour charger un téléphone.

ats