Qu'ils soient économiques ou politiques, des éléments différents ont déclenché les révoltes actuelles. Dans plusieurs pays, ce sont des mesures touchant directement au coût de la vie qui ont été l'étincelle de départ.
Tout comme en France avec le mouvement des "gilets jaunes", c'est la hausse du prix de l'essence qui a été la goutte de trop en Equateur, en poussant les manifestants à prendre d'assaut le siège du gouvernement, jusqu'à ce qu'un accord soit trouvé.
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À Haïti, c'est une pénurie de carburant qui a amplifié la colère de la population fin août, déjà excédée par l'inflation et la corruption. Les manifestants exigent la démission du président Jovenel Moïse.
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Au Chili, c'est l'augmentation du prix du ticket de métro qui a fait exploser la colère de centaines de milliers de Chiliens et de Chiliennes. Suite à de violents affrontements dans la capitale, l'armée a été déployée et un couvre-feu instauré. Le président Sebastian Piñera a promis un remaniement total du gouvernement.
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Au Soudan, le prix du pain a déclenché une contestation le 19 décembre 2018, qui a duré huit mois, et fait plus de 250 morts. Sous la pression, le président Omar Al-Bachir a été démis de ses fonctions et un accord signé entre l'armée et les contestataires. Des élections sont prévues en 2022.
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Au Liban, c'est une taxe sur les appels WhatsApp qui a déclenché la protestation le 17 octobre dernier. La population n'a pas digéré cette entrave supplémentaire d'un gouvernement jugé corrompu et inefficace. Malgré le retrait de cette taxe, les Libanais et Libanaises exigent le départ de la classe politique, avec le slogan: "Tous, ça veut dire tous!" Mardi, le Premier ministre Saad Hariri a donné sa démission.
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Dans d'autres régions, ce sont des causes politiques qui ont été déclencheurs de révolte. Cela a été le cas à Hong Kong, avec un projet de loi sur les extraditions en Chine. En Algérie, avec l'annonce d'un 5e mandat d'Abdelaziz Bouteflika. En Bolivie, suite au dépouillement de l'élection présidentielle.
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En Irak, l'étincelle est partie le 1er octobre du limogeage du général Abdelwahab al-Saadi, considéré comme un héros dans la lutte contre le groupe "Etat Islamique". Dans ce pays où un jeune sur quatre est au chômage, la colère s'est rapidement muée en soulèvement exigeant la chute du régime, jugé corrompu. La répression, particulièrement brutale, a fait plus de 240 morts et 8000 blessés en un mois.
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En Espagne, le 14 octobre passé, la condamnation de neuf leaders indépendantistes a ravivé la colère des Catalans et Catalanes, deux ans après l'échec d'une tentative de sécession. Les manifestations contre cette décision de justice ont dégénéré en affrontements, faisant près de 600 blessés.
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Un même ras-le-bol
Malgré les différences nationales, presque tous ces mouvements de contestation ont pour point commun un ras-le-bol général. La population est excédée par le chômage, par la corruption, par l'accroissement des inégalités, mais surtout par une élite qui s'accapare les richesses.
Pas seulement économique, la crise est aussi souvent démocratique. Ces peuples n'ont plus confiance en leurs politiques et réclament un changement de dirigeants et de système.
"Pour les citoyens, l'Etat n'est plus avec eux mais contre eux", analyse Geoffrey Pleyers, sociologue et professeur à l'Université de Louvain. "Avec l'accaparement des richesses par les élites, et parfois par l'Etat, il y a l'idée qu'une caste supplante le peuple, et qu'elle ne peut pas être délogée malgré les élections, quand il y en a. La différence est toujours plus marquée entre "eux", le gouvernement qui défend les intérêts des grandes entreprises, et "nous", le peuple."
Autre point commun, l'horizontalité de ces mouvements. La mobilisation n'a souvent pas de leaders ni d'affiliation politique. Elle réunit différentes classes et générations, jeunes, retraités, hommes, femmes. "Ces personnes participent en tant que citoyens avant tout, même s'ils sont par ailleurs membres d'une organisation", explique Geoffrey Pleyers.
Cette unité est particulièrement visible au Liban, pays multi-confessionnel, où des milliers de personnes de différentes communautés se sont données la main pour créer une chaîne humaine reliant le nord au sud du pays.
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Autre constante, certains codes vestimentaires sont repris par les différents mouvements, à l'exemple du masque du Joker, symbole de la lutte contre l'oppression du peuple par les classes dirigeantes, et rendu populaire par un film à grand succès sorti récemment au cinéma. C'est aussi le cas du masque "Anonymous" apparu dans le film "V pour Vendetta" ou encore du masque de la série Netflix "La Casa de Papel".
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Apaiser les révoltes
Pour apaiser la colère de leur population, les gouvernements ont fait marche arrière en annulant la mesure qui avait déclenché la révolte, comme les taxes sur le carburant, sur les appels WhatsApp ou sur les tickets de métro. Malgré cela, les manifestants n'ont pas quitté les rues et les mouvements se sont amplifiés.
Plus que des concessions, ces peuples réclament un véritable changement du système, qu'il soit économique ou politique. Mais, pour Geoffrey Pleyers, "les économistes indiquent qu'il y a une concentration des richesses de plus en plus importante, et ça c'est une chose qui ne va pas se régler rapidement."
Mouna Hussain