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Vers la destruction totale des forêts en Côte d'Ivoire à cause du cacao?

En Côte d'Ivoire 90% des forêts ont disparu. [Reuters - Luc Gnago]
Il n’y a quasiment plus de forêt en Côte d’Ivoire / Tout un monde / 4 min. / le 30 octobre 2019
Sur tous les continents, les forêts rétrécissent. Dans certains cas, cette situation va jusqu'au drame, comme en Côte d'Ivoire, où 90% d'entre elles ont disparu. En cause, l'exploitation abusive du bois mais aussi et surtout l'extension des plantations de cacao.

En moins de 50 ans, la presque totalité du couvert forestier national a disparu et l'on estime désormais qu'il faudrait plusieurs siècles pour qu'il revienne à son état originel.

Une situation que déplore Emmanuelle Normand, spécialiste de la déforestation en Côte d'Ivoire et responsable de la Fondation pour les chimpanzés sauvages: "Quand on regarde une carte de la Côte d'Ivoire, on peut citer les forêts classées qu'il reste dans le pays. Sur les 250, il en reste peut-être deux ou trois, dont la forêt classée de Cavally et celles de Yaya-Mabi (...) Ce ne sont pas des grandes forêts, la plus grande, Cavally, fait 65'000 hectares et elle est détruite à 40%".

Les ravages de la culture du cacao

Au-delà de l'exploitation du bois, la principale cause du déboisement est la culture du cacao. Peu à peu, d'est en ouest, toutes les forêts ont été brûlées par des exploitants agricoles, parfois sous l'impulsion même des autorités. Le cacao reste à l'heure actuelle la première source de revenus du pays.

Pour Amourlaye Touré, militant des questions environnementales, la situation, déjà critique, est en train de s'envenimer: "Les forêts ne sont pas suffisamment protégées (...) En 2017, l'organisation Mighty Earth a fait une enquête en Côte d'Ivoire. A sa suite, il y a eu des échanges avec les autorités gouvernementales et des résolutions ont été prises. Mais l'année dernière, lorsque j'ai conduit à nouveau une équipe de Mighty Earth, on a constaté que les engagements pris par le gouvernement n'avaient pas été tenus".

L'engagement principal consistait en un moratoire sur les nouvelles plantations. "J'étais sur le terrain et on a vu de nouvelles plantations, y compris dans des aires protégées", ajoute le militant.

La culture du cacao est l'une des principales responsables du déboisement de masse en Côte d'Ivoire. [Reuters - Luc Gnago]
La culture du cacao est l'une des principales responsables du déboisement de masse en Côte d'Ivoire. [Reuters - Luc Gnago]

Corruption et mafia

Pour Emmanuelle Normand, la corruption est la principale responsable. La spécialiste va même jusqu'à parler d'une mafia, qui contrôle les quelques forêts restants pour développer la culture du cacao. Des organisations composées d'anciens rebelles du nord de la Côte d'Ivoire qu'il a fallu récompenser à la fin de la crise post-électorale de 2010-2011.

"La corruption est un phénomène que l'on peut retrouver dans toutes ces forêts (...) l'administration et les autorités locales sont corrompues par cet argent qui en provient".

Appauvrissement général des sols

Et d'ajouter: "Nous prenons en compte les populations de chimpanzés pour sauver les espèces classées en danger critique de disparition, mais il existe aussi des problèmes pour les populations (...) On voit dans ces zones que les rivières ont tari et que le cacao ne produit plus (...) Au centre du pays, qui était initialement le centre de la boucle café-cacao, les plantations ne produisent plus et elles prennent feu tous les ans dans des incendies de brousse. Les planteurs ont d'ailleurs commencé à ouvrir leurs plantations à l'orpaillage (...) on détruit tout, c'est une agriculture intensive qui appauvrit les sols".

La Côte d'Ivoire assure de son côté vouloir mettre en place un nouveau code forestier. Celui-ci est toujours en discussion mais la question de son application restera un problème fondamental, selon les ONG.

Reportage radio: François Hume-Ferkatadjii pour "Tout un monde"

Version web: Tristan Hertig

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Inventaire général lancé

La Côte d'Ivoire, qui a perdu en un demi-siècle la quasi-totalité de ses forêts, a lancé jeudi à Abidjan un inventaire général pour établir des données statistiques fiables sur ses ressources forestières et fauniques, en vue d'appuyer un plan de reboisement.

L'inventaire forestier et faunique national (IFFN) va durer deux ans. Le précédent IFFN datait de 1978.

"Pour mieux évaluer la situation actuelle, il est nécessaire de faire un état des lieux des surfaces forestières restantes, sur lequel s'appuieront les actions à mettre en oeuvre dans le cadre de la politique de préservation, de réhabilitation et d'extension des forêts", a expliqué Martial Mé Kouamé, directeur de cabinet adjoint du ministère des Eaux et Forêts, lors de la cérémonie de lancement.