Benoît XVI devait s'adresser aux 24 prélats irlandais convoqués,
collectivement et individuellement. Chacun d'entre eux devait
exprimer lors de cette audience avec le pape son point de vue, son
action, ou sa connaissance du dossier, mais les "questions précises
des démissions" n'étaient pas à l'ordre du jour, selon le
porte-parole de la conférence des évêques irlandais, Mgr Joseph
Duffy.
La hiérarchie catholique irlandaise, a-t-il reconnu dimanche, a
été lente à réagir à ces affaires de pédophilie, qui ont eu lieu
pendant des décennies dans les orphelinats ou pensionnats
catholiques en Irlande.
Une crise très grave
Le pape a prié pour le succès de ce sommet, face à une crise
"très grave" dans laquelle des "hommes d'église ont été impliqués
dans des actes particulièrement abominables", a déclaré lundi aux
évêques le cardinal Tarcisio Bertone, numéro deux du Vatican.
"Les épreuves qui viennent de l'intérieur (de l'église) sont
naturellement les plus dures et humiliantes", a-t-il noté lors
d'une homélie durant la messe célébrée avant l'ouverture du sommet,
qui se déroule à huis clos. Mais "toute épreuve peut devenir un
motif de purification et de sanctification, si elle est illuminée
par la foi" et si "le pêcheur reconnaît sa faute".
D'après le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, la
discussion portera notamment sur la lettre pastorale spéciale que
Benoît XVI a promis d'adresser aux catholiques irlandais. Sa
publication, croit savoir Mgr Duffy, n'est pas imminente en raison
de l'ampleur du dossier.
Deux rapports accablants
Un rapport accablant a révélé fin novembre 2009 que l'Eglise
catholique irlandaise avait protégé plus d'une centaine de prêtres
coupables d'abus sexuels sur mineurs dans l'archevêché de Dublin,
ainsi que dans un réseau de foyers pour jeunes en difficulté.
Le rapport de Dublin cite les cas de 46 prêtres ayant molesté et
violé des enfants, sans que les faits aient été rapportés à la
police par les évêques. Cette situation a duré jusqu'en 1995, quand
les premières victimes ont commencé à porter plainte.
Un précédent rapport publié en mai sur les orphelinats, les
pensionnats et les maisons de correction gérés par les catholiques
avait révélé que des représentants du clergé s'étaient livrés à des
abus sexuels, psychologiques et physiques systématiques sur des
dizaines de milliers d'enfants entre 1930 et 1990, date à laquelle
ces institutions ont fermé.
Les deux rapports ont dénoncé la complaisance dont ont fait preuve
la police et les responsables des autorités étatiques pour
l'enfance à l'égard des représentants catholiques, pour épargner la
réputation de l'Eglise.
ap/lan
Quatre démissions
Une commission dotée d'un fonds public a déjà accordé l'équivalent de plus de 1,152 milliard d'euros à plus de 12'000 rescapés de ces foyers, tandis que l'archidiocèse de Dublin estime à 20 millions d'euros les dommages et intérêts qu'il pourrait être condamné à verser dans différents procès.
A la suite de ces révélations, quatre évêques ayant négligé de prévenir la police d'abus sexuels sur des enfants ont présenté leur démission.
Benoît XVI n'a cependant confirmé le départ que de l'évêque de Limerick, Donald Murray. Les trois autres, Raymond Field, Jim Moriarty et Eamonn Walsh, restent en fonctions en attendant la décision du pape.
Andrew Madden, ancien enfant de choeur qui a été le premier à porter plainte publiquement en 1995, s'est dit pessimiste concernant les chances de voir "le pape et les évêques faire ce qui est nécessaire ou ce qui convient".
"Il est clair que la plupart des évêques devraient démissionner, parce qu'ils ont couvert des crimes ignobles", a-t-il estimé dans un entretien à l'Associated Press. Mais "la plupart d'entre eux s'accrocheront à leur poste, sans égard pour la détresse que cela cause aux victimes", a-t-il ajouté.