Modifié

Régulièrement violés et critiqués, les droits humains sont remis en question

Exposition sur les droits humains en 2016 à Genève (image d'illustration). [Keystone - Martial Trezzini]
Justine Lacroix présente "Les droits de l'homme rendent-ils idiot?" / La Matinale / 6 min. / le 12 novembre 2019
Les droits humains sont régulièrement violés et critiqués. La Déclaration universelle des droits de l'homme est parfois mise en cause, car jugée comme pur produit des Occidentaux. Interview de Justine Lacroix, auteure de "Les droits de l'homme rendent-ils idiot?".

C'est un concept à la fois politique, juridique et philosophique: les droits de l'homme (ou droit humains) sont inscrits dans la Déclaration universelle adoptée par les Nations unies en 1948. Un texte qui établit des droits fondamentaux pour tous: égalité, liberté, droit à la nationalité. Mais aussi le droit de pas subir de torture ou d'esclavage. L'ONU énonçait un idéal à atteindre: la liberté, la justice et la paix dans le monde.

La Semaine des droits humains s'est ouverte lundi à Genève. L'occasion de se pencher sur ces droits, menacés par ceux qui les violent, mais aussi par certains intellectuels. Interview de Justine Lacroix, directrice du Centre de théorie politique à l'Université libre de Bruxelles et auteure de "Les droits de l'homme rendent-ils idiot?".

Les démocraties illégitimes sont vantées par Viktor Orban. Le président américain, Donald Trump, estime que la "torture, ça marche". Jair Bolsonaro au Brésil est nostalgique des années de dictature. Vous diriez que c'est un sale temps pour les droits de l'homme?

On vit une période de retournement des discours politiques depuis quelques années. Si on se souvient des années 90, les droits de l'homme n'étaient pas contestés. Si en pratique ils étaient violés, on n’osait pas ouvertement les contester. Ce qui est nouveau aujourd'hui, c'est que la dénonciation de l'invocation des droits de l'homme est presque devenue une attitude acceptable. C'est le cas notamment dans des discours de Trump ou Bolsonaro.

La Déclaration universelle des droits de l'homme a plus de 70 ans. N'est-ce pas sain de se questionner sur ce texte?

C'est peut-être le service que nous rendent les contradicteurs. Il faut prendre les critiques au sérieux. Ils nous invitent à réfléchir sur le sens politique des droits de l'homme. Pour moi, les droits de l'homme ne sont pas un dogme. Ce n'est pas une religion. Il peut y avoir des interprétations concurrentes, des instrumentalisations, des dévoiements. Nous devons voir comment nous pouvons être à la hauteur de leurs exigences.

La déclaration des droits de l'homme est dite "universelle". Là aussi, dans ce terme, il y a matière à critique. La Déclaration a aussi été perçue comme un pur produit de l'Occident.

Il y a un débat important pour savoir si ces droits de l'homme sont l'expression de la bonne conscience occidentale ou s'ils ont une valeur universelle. Je dirais qu'il s'agit d'une façon d'exprimer certaines valeurs qui ont une portée universelle. L'argument du relativisme culturel qui consisterait à dire que cela ne vaudrait que pour les peuples occidentaux est l'argument préféré des dictateurs pour justifier leurs exactions. En réalité, quand on voit ce qui se passe à Hong Kong, Khartoum (Soudan) ou Alger, on voit qu'il y a une même aspiration à l'autonomie, un même refus de l'oppression arbitraire qui vont trouver à s'exprimer pas exactement dans notre langage des droits, mais qui sont universels.

Est-ce que les droits de l’homme doivent évoluer, prendre en compte les grandes questions du moment comme le numérique ou le climat?

Si on élargit la signification des droits de l'homme, est-ce qu'on ne risque pas de perdre le socle fondamental, de le diluer, de perdre en force? Selon moi, les droits de l'homme sont dans un débat démocratique perpétuel sur leur signification. Aujourd'hui, nous sommes obligés de réfléchir au numérique ou à l'environnement. Par exemple, quel est l'avenir des libertés privées face au changement climatique? Les droits de l'homme sont un socle de réflexion pour imaginer d'autres voies d'avenir. Le pire que nous puissions faire est de les appliquer dogmatiquement sans tenir compte des changements actuels.

Propos recueillis par Romaine Morard

Adaptation web: Pascal Wassmer

Publié Modifié

La peine de mort progresse aux Etats-Unis et Japon

Au total, 690 personnes ont été exécutées l'an dernier, sans compter les chiffres de la Chine, qui refuse de les donner. Et près de 20'000 personnes sont aujourd'hui dans des couloirs de la mort, selon Amnesty International. Si globalement il y a eu moins d'exécutions en 2018, plusieurs pays enregistrent une hausse, dont les Etats-Unis et le Japon. Derrière la Chine, les pays ayant eu le plus massivement recours aux exécutions sont l'Iran (253), l'Arabie saoudite (149), le Vietnam (85) et l'Irak (52).



Au total, vingt pays ont procédé à des exécutions en 2018, par décapitation (Arabie saoudite), électrocution (Etats-Unis), pendaison (Afghanistan, Japon, Singapour), injection létale (Chine, Etats-Unis, Thaïlande) ou arme à feu (Corée du Nord, Yémen).

Christine Morerod, présidente de la section suisse de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, se réjouit du recul constant de la peine de mort. Mais elle s'inquiète de sa progression aux Etats-Unis et au Japon. Et de la manière dont se justifient certains pays.

"Pas mal de pays non-démocratiques se réclament d'autres formes de lois et refusent finalement la Déclaration universelle des droits humains en disant que c'est une affaire d'Occidentaux, mais globalement les choses reculent lentement. Il faut rester vigilant."

En Europe, le Bélarus est le dernier Etat à appliquer la peine capitale. Dans le monde, il y a encore 34 pays ou territoires qui le font.

"En Chine, il y a 68 crimes possibles qui vous amènent à la peine de mort. C'est le cas dans de nombreux pays. Il y a la peine de mort pour le meurtre, l'homosexualité, l'atteinte à la sûreté de l'Etat, l'adultère, l'incendie volontaire ou la drogue. Il y a encore beaucoup à faire. On appliquait ça en Suisse au Moyen Age ou au 18ème siècle".

En Suisse, où on a aboli la peine capitale en 1942, il a fallu attendre un demi-siècle pour qu'elle soit aussi supprimée du code pénal militaire.



Pauline Rappaz/Agences