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Génocide rwandais: Paris arrête un des cerveaux

Agathe Habyarimana, la veuve du président rwandais Juvénal Habyarimana assassiné en 1994.
Agathe Habyarimana, la veuve du président rwandais Juvénal Habyarimana assassiné en 1994.
Agathe Habyarimana, la veuve du président rwandais Juvénal Habyarimana mort dans un attentat considéré comme l'élément déclencheur du génocide de 1994 au Rwanda, a été arrêtée mardi matin à son domicile de Courcouronnes, dans la banlieue sud de Paris.

Elle devrait être présentée dans l'après-midi au parquet d'Evry,
puis au parquet général de Paris dans un délai de sept jours. La
chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris devra ensuite
statuer sur son extradition.

Agathe Habyarimana faisait l'objet d'un mandat d'arrêt
international pour "génocide" émis au Rwanda. Elle est accusée
d'avoir planifié le génocide qui aurait fait plus de 800'000 morts
en trois mois.

Un signe d'apaisement entre Paris et Kigali

Cette
arrestation survient quelques jours après la visite de Nicolas
Sarkozy au Rwanda où le président français avait affirmé à son
homologue rwandais Paul Kagame vouloir "tourner une page" et
"réconcilier des nations" par le biais d'une "coopération
économique, politique, culturelle" entre Paris et Kigali.



Le chef de l'Etat français avait alors admis de "graves erreurs
d'appréciation" de la France lors du génocide de 1994, sans aller
jusqu'à présenter des excuses officielles.



Le Conseil d'Etat avait refusé à Agathe Habyarimana de se pourvoir
en cassation contre le rejet de sa demande d'admission au statut de
réfugié en France en octobre 2009.

Changement de cap à l'Elysée

Si la justice française a autorisé l'extradition de plusieurs
Rwandais soupçonnés d'être impliqués dans le génocide vers le
Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) d'Arusha, en Tanzanie, elle s'est
en revanche opposée à trois reprises à des extraditions vers
Kigali, jugeant que la justice rwandaise n'était pas à même de
garantir un "procès équitable" et l'accès à une justice
indépendante (lire ci-contre).



Exfiltrée du Rwanda le 9 avril 1994 par les militaires français,
Agathe Habyarimana a vécu ensuite au Zaïre et en France, sans
véritable titre de séjour.



En 1998, le Gabon lui a délivré, sous une fausse identité, un
passeport diplomatique.



Agathe Habyarimana avait déposé en 2004 une demande d'asile auprès
de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides
(OFPRA), laquelle a été rejetée en 2007.



Ce rejet avait ensuite été confirmé par la Commission des recours
des réfugiés (aujourd'hui devenue la Cour nationale du droit
d'asile), en vertu des Conventions de Genève et pour son
implication présumée dans la politique génocidaire du régime
rwandais.



ap/afp/jeh

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L'avocat de la veuve contre-attaque

L'avocat d'Agathe Habyarimana, Me Philippe Meilhac, a estimé que l'arrestation mardi en France de la veuve du président rwandais était liée à la visite du président français à Kigali cinq jours auparavant.

"Si elle (ma cliente ndlr) doit être entendue, elle souhaite s'exprimer devant une juridiction française ou internationale, mais elle considère que les juridictions pénales rwandaises ne sont pas suffisamment indépendantes et impartiales" a estimé Me Meilhac.

Elle est également visée par une enquête ouverte à Paris en 2008, à la suite d'une plainte d'un collectif de victimes pour complicité de génocide et de crime contre l'humanité.

Kigali applaudit

Les autorités rwandaises ont salué mardi l'interpellation d'Agathe Habyarimana.

Agathe Habyarimana "fait partie des principaux planificateurs du génocide (...) il est important qu'elle soit traduite en justice et réponde aux questions qui lui seront posées par les instances judiciaires", a estimé le ministre rwandais de la Justice, Tharcisse Karugarama.

Le ministre a exhorté la France à renvoyer la veuve de l'ex-président devant la justice rwandaise en dépit de l'absence d'un traité d'extradition entre Paris et Kigali.