La procédure de destitution visant Donald Trump en questions
Que se passe-t-il aux Etats-Unis? Alors que se profile déjà l'élection présidentielle de 2020, le pays est empêtré depuis plusieurs semaines dans une procédure de destitution visant le président.
Après un marathon d'auditions publiques, qui ont apporté leur lot d'éléments à charge contre Donald Trump, l'enquête sur l'affaire ukrainienne entre désormais dans une nouvelle phase. La Chambre des représentants des États-Unis a ouvert mercredi un débat historique en vue d'une mise en accusation de Donald Trump. Le locataire actuel de la Maison Blanche est en passe de devenir le troisième président américain renvoyé en procès pour destitution.
RTSinfo a suivi et décrypté de près ce feuilleton américain.
Un dossier réalisé par Juliette Galeazzi
Comment ça a commencé ?
Un coup de fil suspect
Les démocrates ont annoncé le mardi 24 septembre l'ouverture d'une procédure d'investigation contre Donald Trump par la voix de Nancy Pelosi, leur cheffe de file au Congrès. Le parti soupçonne le président d'avoir fait pression sur son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky, à son arrivée au pouvoir, pour nuire à Joe Biden, le favori de la primaire démocrate pour 2020.
Pression sur l'Ukraine
Donald Trump a notamment accusé Joe Biden d'avoir incité l'Ukraine à limoger un procureur pour protéger son fils qui siégeait alors au conseil de surveillance du groupe gazier ukrainien Burisma, visé par une enquête. Ces faits se seraient produits en 2015, alors que Joe Biden était vice-président de Barack Obama, mais ils n'ont pas pu être prouvés.
Les démocrates ne pouvaient pas ne pas lancer cette procédure
Le président américain aurait conditionné une aide de 391 millions de dollars à l'Ukraine contre l'ouverture d'une enquête sur le fils de son rival démocrate.
L'"impeachment", c'est quoi?
C'est la première étape...
"Il ne nous a pas laissé le choix": la cheffe des démocrates au Congrès américain, Nancy Pelosi, a elle aussi assuré que les faits qui ont conduit au lancement d'une procédure d' "impeachment " à l'encontre de Donald Trump étaient "irréfutables".
Mais c'est quoi cette procédure? Eric Guevara-Frey, producteur de Tout un monde, nous l'explique et revient sur les précédents qui ont marqué l'histoire des Etats-Unis.
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Qu'ont révélé les témoins ?
Huit jours d'auditions intenses
Douze témoins ont livré de nombreux éléments à charge pour le président américain Donald Trump au cours d'auditions publiques qui se sont déroulées sur huit jours, jusqu'au jeudi 21 novembre. Auparavant, une quinzaine de témoins avaient été entendus à huis clos.
Ce que nous avons ici (...) va bien au-delà de ce que Nixon a fait
Avec plus ou moins de force ou de prudence, les diplomates, hauts responsables ou conseillers auditionnés ont dressé par petites touches un tableau accablant pour le président.
Le rôle trouble de l'ancien maire de New York
Les témoins ont d'abord décrit comment il avait écarté sans raison Marie Yovanovitch et imposé en mai son avocat personnel Rudy Giuliani aux diplomates en charge du dossier ukrainien. Or, cela faisait des mois que l'ancien maire de New York multipliait les contacts à Kiev et les interviews télévisées pour réclamer une enquête sur Joe Biden et les affaires de son fils Hunter en Ukraine.
Une fois Rudy Giuliani à la manoeuvre, un "donnant-donnant" (un "quid proquo") a été proposé aux Ukrainiens, a déclaré mercredi 20 novembre l'ambassadeur auprès de l'Union européenne Gordon Sondland: si leur président voulait être invité à la Maison Blanche, il devait annoncer publiquement des enquêtes sur Burisma, le groupe gazier qui a longtemps employé Hunter Biden.
Influence russe évoquée
Entendue en dernier, une conseillère de la Maison Blanche a indirectement critiqué jeudi le président qui, outre Joe Biden, a demandé à l'Ukraine d'enquêter sur une prétendue ingérence ukrainienne dans l'élection présidentielle de 2016 au profit des démocrates.
"C'est une fiction qui a été créée et propagée par les services de sécurité russes", a souligné Fiona Hill, haute responsable au sein du Conseil de sécurité nationale. "S'il vous plaît, ne propagez pas pour des raisons politiques des mensonges qui servent clairement les intérêts russes", a-t-elle lancé aux élus, en leur rappelant que les services de renseignement américains avaient conclu que Moscou s'était ingéré dans la campagne de 2016, et non l'Ukraine.
"Ces gens sont malades!". Donald Trump a laissé éclater sa colère contre les témoins qui l'ont chargé lors des auditions publiques. Il a choisi l'émission matinale "Fox & Friends" du 22 novembre pour répondre.
Pendant 53 minutes, dans un flot presque ininterrompu, par moments incohérent, le 45e président des Etats-Unis a montré combien il avait été piqué au vif par cet "impeachment" qui pourrait laisser une trace indélébile sur son mandat. "Je veux un procès!", a-t-il lâché, évoquant la suite de la procédure (lire plus bas).
Donald Trump en a aussi profité pour justifier le rôle de l'ancien maire de New York Rudy Giuliani en Ukraine. Il aurait été chargé d'y lutter contre la corruption.
Des tweets à foison
Depuis l'ouverture de l'enquête en vue d'une procédure de destitution le visant, Donald Trump nie avoir exercé toute pression sur l'Ukraine. Depuis fin septembre, il dénonce même une "chasse aux sorcières".
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Contrairement à Richard Nixon qui avait préféré démissionner plutôt qu'être destitué dans l'affaire du Watergate, il communique énormément, notamment sur les réseaux sociaux.
Qu'en pensent les Américains?
Une opinion divisée
La procédure lancée par les démocrates qui contrôlent la Chambre des représentants, mais minoritaires au Sénat, divise l'opinion publique américaine et même le camp démocrate partagé entre ceux qui soutiennent la manoeuvre et ceux qui redoutent qu'elle coûte cher au parti.
"Le taux de popularité du travail du Congrès est extrêmement bas. On est aux alentours de 23-24%. Il y a beaucoup de démocrates qui espèrent surtout que cette procédure d''impeachment' ne va pas effacer tout le travail parlementaire qui devrait être fait en faveur des Américains: l'économie, l'agriculture, l'éducation, la santé, la santé publique", relevait début novembre Roberto De Primis, chercheur à l'Université du Québec à Montréal, dans Tout un monde.
"Il y a une polarisation de l'électorat américain sur les réseaux sociaux et l'impeachment risque d'amplifier cet écart entre la gauche et la droite, entre les libéraux et les progressistes", expliquait-il encore.
Un bloc républicain
Donald Trump peut en outre compter sur le soutien ferme des républicains, même s'ils offrent des défenses parfois contradictoires, rappelle le Washington Post. C'est une carte sur laquelle mise le président qui après avoir longtemps dénoncé "une chasse aux sorcières" appelle désormais à la tenue d'un procès au Sénat.
Quel impact sur la présidentielle?
Une question de "timing"
Difficile d'évaluer quel sera l'effet de la procédure en cours sur la campagne pour la présidentielle américaine de 2020. Plusieurs scénarios restent plausibles.
Certains proches du président, dont le sénateur de Caroline du Sud Lindsey Graham, font pression pour que le procès soit rapide. Cela permettrait à Donald Trump de continuer sa campagne pour sa réélection avec plus de sérénité. Le président a en effet montré des signes d'inquiétude et d'agitation ces derniers jours.
Mais une autre piste est aussi à l'étude dans le camp républicain, celle de faire traîner la procédure pour qu'elle empiète sur le début des primaires démocrates agendées le 3 février 2020 dans l'Iowa. Trois des favoris, qui ont aussi la casquette de sénateurs, à savoir Joe Biden, Elizabeth Warren et Bernie Sanders, seraient alors obligés de rester à Washington en tant que jurés, ce qui pourrait affecter leurs campagnes.
Le dernier mot reviendra à Donald Trump qui, après avoir refusé de collaborer à ce qu'il qualifie de "chasse aux sorcières",
, la seule Chambre où il estime "pouvoir compter sur une équité et bénéficier d'une procédure régulière".
Vote crucial de la Chambre des représentants
Un rendez-vous avec l'Histoire
La Chambre des représentants, contrôlée par les démocrates, se réunit mercredi pour un débat d'au moins six heures qui mènera au vote des deux articles de mise en accusation visant Donald Trump: abus de pouvoir et entrave à la bonne marche du Congrès.
Ce n'est que la troisième fois depuis la création du Congrès que les représentants sont appelés à se prononcer dans le cadre d'une procédure de destitution du président en exercice, après celles qui ont visé Andrew Johnson en 1868 et Bill Clinton en 1998. Richard Nixon a pour sa part démissionné en 1974, en plein scandale du Watergate, avant le vote en séance plénière à la Chambre des représentants.
Le vote de la Chambre basse devrait renvoyer Donald Trump en procès devant le Sénat, en janvier probablement. Mais la majorité républicaine qui y siège a déjà prévenu que le président serait alors acquitté.