A moins d'un an de la présidentielle américaine, le candidat sortant Donald Trump a lancé une campagne de séduction de l'électorat afro-américain. C'est sur les terres de Martin Luther King, à Atlanta, dans l'Etat de Géorgie, que le républicain a présenté une action nommée "Black Voices for Trump" ("Voix noires pour Trump").
Traditionnellement, l'électorat noir américain est largement acquis à la cause des démocrates. Pourtant, en 2016, la mobilisation pour la candidate Hillary Clinton avait été notoirement faible dans plusieurs Etats-clés tels que le Wisconsin qui avait basculé, à la surprise générale, du côté de Donald Trump.
Namso, producteur de films indépendants à Atlanta, fait partie des supporters inconditionnels du président. "Trump va droit au but", argue-t-il. "Il arrive avec des choses simples. "
"Par exemple ici, chacun de nous ferme à clé la porte de sa maison. Pourquoi le pays ne pourrait pas faire pareil? Si des gens veulent venir dans notre pays, ils frappent à la porte. Qui est là ? Oui venez, mais montrez-moi d'abords vos papiers !"
L'ancienne entreprise de Namso a souffert de la concurrence d'immigrés mexicains, dont certains sans papiers. Donald Trump est pour lui une solution à une concurrence qu'il estime déloyale.
L'économie comme argument
"Trump a la courage de détruire le système ! Depuis qu'il est à la Maison Blanche, mon business va mieux. J'ai aujourd'hui un magasin de voiture, et les gens ont plus d'argent pour en acheter. L'économie est excellente, excellente !"
L'argument économique est justement celui qu'utilise le milliardaire républicain. En octobre, le taux de chômage au sein de la population noire était de 5,4%, un chiffre en nette baisse sur la décennie écoulée, mais toujours supérieur à celui au sein de la population blanche qui s'élève à 3,2%.
Autre argument du locataire de la Maison Blanche, celui d'une réforme de la justice pénale visant à désengorger les prisons surpeuplées. "Sans moi, il n'y aurait pas eu cette réforme et elle a bénéficié aux Afro-Américains plus qu'à personne d'autre", a-t-il souligné.
Lors de sa première campagne en 2016, le magnat de l'immobilier avait joué la carte du désenchantement d'une partie des Afro-Américains vis-à-vis du parti démocrate, avec une phrase-choc répétée à l'envie: "Qu'est-ce que vous avez donc à perdre?".
Il n'avait obtenu que 8% des votes de l'électorat noir, contre 88% pour sa rivale démocrate Hillary Clinton. Or, depuis son arrivée au pouvoir, ses attaques répétées contre des leaders afro-américains n'ont fait qu'attiser les tensions.
Raciste ou pas raciste?
Selon un sondage rendu public en juillet par l'Université Quinnipiac, 80% des électeurs noirs estiment que Donald Trump est raciste.
C'est aussi ce que soutient Lawrence, un passant à Atlanta. "Moi je pense que le président a des opinions racistes, c'est un raciste oui. Trump dit avoir créé des emplois, mais c'est l'héritage de Barack Obama."
"Oui, beaucoup de gens disent qu'il est raciste", rétorque Namso. "Moi j'écoute ses discours, et il n'a jamais rien dit de négatif à mon sujet. Trump qualifie certains pays africains de "trous à rats". Mais tu sais pourquoi j'ai quitté l'Afrique ? Car c'est pire qu'un trou à rats !"
Le producteur de films va jusqu'à inclure le président républicain dans la communauté afro-américaine: "Tu sais, dans les quartiers noirs, Trump est vu comme un "negro". Tu m'entends? Parce qu'il parle comme un "nigger". Ce n'est plus un tabou d'être noir et de soutenir Trump. Ce sera même célébré dans les 2-3 prochaines années !"
"Ce mouvement est une plaisanterie"
Cliff Albright, co-fondateur de l'organisation "Black Voters Matter" (Les Votes des Noirs Comptent), s'indigne de l'initiative présidentielle vis-à-vis des électeurs noirs. "C'est une imposture, c'est hypocrite, c'est insultant", estime-t-il, dénonçant les mots, mais aussi les actes du locataire de la Maison Blanche.
Mais quelle est la stratégie de Donald Trump? A-t-il vraiment l'espoir de grappiller quelques pourcentages de points parmi les Afro-Américains représentant environ 13% de la population des Etats-Unis?
"Il n'essaie pas véritablement d'obtenir des voix des Afro-Américains", explique Cliff Alrbright. "Il cherche avant tout à minimiser leur participation".
"Créer une forme de confusion en martelant: "vous n'avez rien à perdre" pourrait avoir un effet à la marge", souligne-t-il, et "pousser 1%, 2% ou 5% des électeurs noirs à rester chez eux".
Raphaël Grand / mh avec agences