La grève était massivement suivie dans tous les secteurs, transports, éducation, police, culture..., et près de 806'000 personnes, selon le ministère de l'Intérieur, ont battu le pavé dans toute la France, y compris des petites villes, pour dénoncer cette réforme emblématique du quinquennat d'Emmanuel Macron. Selon le syndicat CGT, 1,5 million de personnes ont manifesté dans tout le pays.
Premiers incidents
A Paris, où le cortège de 65'000 personnes (250'000 selon le syndicat CGT) s'est élancé en début d'après-midi, des incidents entre casseurs et forces de l'ordre ont éclaté non loin de la place de la République, dans l'est de la capitale. Une remorque de chantier a été retournée et incendiée et plusieurs vitrines brisées tandis que les forces de l'ordre essuyaient des jets de projectiles et répliquaient par des tirs de lacrymogène.
A 18h00, 60 personnes étaient en garde à vue en marge de la manifestation, a indiqué le parquet. Des affrontements entre policiers et manifestants ont également eu lieu dans plusieurs autres villes, dont Lyon, Montpellier ou Toulouse.
Parmi les mobilisations massives, les autorités ont compté 20'000 personnes à Montpellier, 19'000 à Nantes, 15'000 à Clermont-Ferrand, 10'500 à Tours, 10'000 à Rennes.
Transports touchés
Les transports étaient particulièrement touchés, notamment à Paris, où 10 lignes de métro sur 14 étaient fermées, et où les syndicats ont annoncé que le mouvement durerait "jusqu'à lundi".
Dans le ferroviaire, quelque 90% des trains à grande vitesse ont été annulés et 50% des Eurostar, a annoncé la compagnie SNCF. Aux quatre coins du pays, en pleine heure de pointe, une majorité de gares étaient quasi désertes jeudi. Le trafic restera "très fortement perturbé" vendredi, a indiqué la SNCF.
Dans le secteur aérien, Air France a annulé 30% de ses vols intérieurs et près de 10% de ses vols moyen-courrier pour vendredi, et la direction générale de l'aviation civile a appelé les compagnies aériennes à réduire de 20% leur programme de vol vendredi.
Le mouvement touche également les enseignants, les retraités, les étudiants, les avocats, le secteur de l'énergie, ou encore les policiers, qui ont bloqué des commissariats jeudi.
La tour Eiffel et plusieurs des principaux musées de Paris étaient totalement ou partiellement fermés jeudi. De nombreuses écoles sont restées portes closes.
A l'origine de la mobilisation, le futur "système universel" de retraites par points, censé remplacer les 42 régimes existants (fonctionnaires, privés, régimes spéciaux, complémentaires). L'exécutif promet un système "plus lisible" et "plus juste", les détracteurs de la réforme s'attendent à une "précarisation" des retraités.
Répercussions en Suisse
Cette grève a des répercussions directes en Suisse. Jeudi, seul un aller et retour Paris-Bâle est prévu, tout comme vendredi. Les CFF déconseillent les voyages vers cette destination du 5 au 8 décembre. Ces deux trains circuleront avec un horaire modifié, car ils feront plusieurs arrêts exceptionnels sur leur parcours. Tous les autres TGV entre la Suisse et la France sont supprimés. Les autres relations franco-suisses régionales (TER) seront aussi très fortement touchées.
La compagnie aérienne easyJet a annoncé qu'elle allait supprimer vendredi 28 vols à Genève et 20 à Bâle.
Un système par points
A l'origine de la mobilisation, le futur "système universel" de retraites par points, censé remplacer les 42 régimes existants (général, des fonctionnaires, privés, spéciaux, autonomes, complémentaires). L'exécutif promet un système "plus lisible" et "plus juste", quand les opposants craignent une "précarisation" des retraités.
"Ce que vont subir les Français c’est un alignement vers le bas de tous les régimes, et pas seulement les régimes spéciaux. Quand on prend en considération toute la carrière, et non plus les 25 meilleures années, cela va aboutir nécessairement à une baisse du niveau des pensions et les Français le savent très bien", explique Liem Hoang-Ngoc, ancien député européen socialiste et maître de conférence à l’Université de Paris 1, dans Forum.
Surtout, l'ancien député pointe du doigt la stratégie du gouvernement: "On brandit les régimes spéciaux comme épouvantails afin de diviser les salariés. Mais ils ont compris qu'on commence à s'attaquer aux gens qui ont le plus d'acquis pour ensuite s'attaquer à tout le monde".
ats/gma/lan
Macron "calme et déterminé"
Emmanuel Macron est "calme et déterminé" face au mouvement de contestation de la réforme des retraites, a annoncé l'Elysée mercredi. "L'architecture générale" de la réforme doit être annoncée en milieu de semaine prochaine par le Premier ministre Edouard Philippe.
"Le chef de l'Etat est calme et déterminé à mener cette réforme, dans l'écoute et la consultation", "il est attentif au respect de l'ordre public et aux désagréments subis par les Français", selon la présidence.
Le ministère de l'Intérieur s'attend à la présence de "quelques centaines" de "black blocs" et "gilets jaunes radicaux", "quelques milliers" dans tout le pays. Rien qu'à Paris, la préfecture de police a mobilisé près de 6000 policiers et gendarmes.
Un mouvement qui va "durer"
"Tout le monde s'attend à ce que ce mouvement dure. Nous savons déjà que pour les quatre jours qui arrivent, jusqu'à dimanche, ça va être extrêmement compliqué dans l'ensemble des transports", explique jeudi Bruno Cautrès, chercheur au CNRS, dans La Matinale.
"Cette mobilisation contre la réforme des retraites intervient à un moment bien particulier du mandat d'Emmanuel Macron, un an après la crise des gilets jaunes. Elle a déjà été un sérieux coup de semonce pour le président, lui montrant que les attentes sociales des Français étaient très fortes", poursuit-il.
Selon Bruno Cautrès, il n'y a pas que la réforme des retraites qui motive les manifestants. "Les revendications des gilets jaunes sont toujours sur le dessus de la table. La question de la justice sociale, des salaires... la question sociale en générale", analyse-t-il.
>> L'interview de Bruno Cautrès dans La Matinale: