"Des Corans sont brûlés... des mosquées détruites... les écoles islamiques interdites... des intellectuels religieux tués les uns après les autres... Des frères envoyés par la force dans des camps", s'indigne le footballeur d'origine turque dans un message diffusé vendredi dans cette langue sur Twitter et Instagram.
"Les musulmans restent silencieux. On n'entend pas leur voix", ajoute-t-il dans ce texte où figure à l'arrière plan le drapeau de ce que les séparatistes ouïghours appellent le "Turkestan oriental".
Le meneur de jeu d'Arsenal souligne que les États et les médias occidentaux ont eux mis en avant la situation des Ouïghours, contrairement aux pays musulmans. Mais "ce dont on se souviendra des années plus tard ne sera pas la torture par les tyrans mais le silence de leurs frères musulmans", ajoute le numéro 10 des Gunners.
Un joueur proche du président turc Recep Tayyip Erdogan
Le joueur de 31 ans s'est rapproché ces dernières années du président turc Recep Tayyip Erdogan, à la tête d'un des rares pays à majorité musulmane critique du traitement des Ouïghours en Chine.
Des photos d'Özil aux côtés de l'homme fort d'Ankara avaient créé la polémique en Allemagne à l'approche de la Coupe du monde 2018. Depuis, le chef d'Etat a même été son témoin de mariage à Istanbul cette année.
Le ton était monté entre Ankara et Pékin en février quand le ministère turc des Affaires étrangères avait qualifié de "honte pour l'humanité" la "politique d'assimilation systématique" des Ouïghours, appelant Pékin à fermer ses camps de "rééducation".
Mais le spectre d'une crise diplomatique avait été dissipé par Erdogan lui-même début juillet: lors d'une visite en Chine, le président turc avait au contraire vanté la politique chinoise, déclarant que les gens vivaient "heureux" dans la région du Xinjiang.
Critiques en Chine, Arsenal se désolidarise
En Chine, le message de Mesut Özil a sans surprise créé la colère de nombreux internautes et fans du club d'Arsenal. "Ozil Tieba", une communauté de fans chinois du milieu de terrain allemand de plus de 100'000 membres, a annoncé peu après la publication du joueur qu'elle fermait son compte Weibo (équivalent du Facebook ou Twitter chinois).
De nombreux commentaires sur ce réseau social ont aussi appelé à licencier le joueur du club anglais. Hu Xijin, rédacteur en chef de média chinois Global Times, a dénoncé quant à lui sur Twitter un "soutien terroriste" de Mesut Özil.
Comme souvent avec la Chine, la position de l'institution mise en cause est délicate. Pour le club d'Arsenal, le marché qu'offre le géant asiatique est primordial, il y possède d'ailleurs de nombreux intérêts.
La direction a donc décidé de se désolidariser de son joueur dans l'espoir d'apaiser les tensions et d'éviter des répercussions économiques. Dans un communiqué publié sur Weibo, le club explique que la publication de Mesut Özil ne concerne que l'opinion personnelle du joueur et réaffirme qu'Arsenal a toujours adhéré au principe de ne pas s'impliquer dans des affaires politiques.
Mesut Özil est le deuxième joueur d'Arsenal à émettre une opinion politique au cours des derniers jours. Jeudi, le joueur espagnol Hector Bellerin avait ainsi tweeté: "Les jeunes gens du monde entier ont la chance de changer le futur. Aujourd'hui, c'est la chance pour les Britanniques d'influencer l'avenir de ceux qui vivent ici", et d'ajouter le hashtag insultant à l'encontre du Premier ministre Boris Johson "#FuckBoris".
Pour l'occasion, le club n'avait pas jugé nécessaire d'émettre une déclaration officielle.
Tristan Hertig avec l'afp
Démenti de Pékin
Des informations font état d'un archipel de camps où seraient détenus un million de musulmans, principalement d'ethnie ouïghoure.
Un chiffre démenti par Pékin qui évoque des "centres de formation professionnelle" destinés à lutter contre le séparatisme et la radicalisation islamiste, à la suite d'attentats sanglants attribués aux Ouïghours, comme à la gare de Kunming en mars 2014, où un commando armé de couteaux avait fait 31 morts.