L'anthropologue franco-iranienne Fariba Adelkhah, spécialiste du chiisme et directrice de recherche au CERI, arrêtée en juin en Iran, et Kylie Moore-Gilbert, une universitaire de Melbourne spécialiste du Moyen-Orient, sont toutes deux accusées d'"espionnage".
"Le CERI confirme la grève de la faim entamée par Fariba Adelkhah et sa codétenue Kylie Moore-Gilbert", a indiqué le 25 décembre au soir sur Twitter le centre de recherches parisien.
"Tortures psychologiques"
Dans une lettre ouverte adressées au Centre pour les droits humains en Iran (CHRI), basé à New-York, les deux universitaires ont dit avoir été soumises à de la "torture psychologique" et à des "nombreuses violations de [leurs] droits humains fondamentaux".
"Nous lutterons au nom de tous les universitaires et chercheurs à travers l'Iran et le Moyen-Orient qui, comme nous, ont été injustement cibles d'accusations forgées de toutes pièces", affirment-elles.
Qualifiant de "grotesques" les accusations iraniennes à l'encontre des deux universitaires français, certains de leurs confrères ont appelé en octobre la France à suspendre toute coopération scientifique et universitaire avec Téhéran en signe de protestation.
L'Australie exprime son inquiétude
La ministre australienne des Affaires étrangères Marise Payne a appelé l'Iran à traiter Kylie Moore-Gilbert "avec équité, humanité et en accord avec les normes internationales".
Sans confirmer le début de cette grève de la faim, elle a estimé que le sujet suscitait "la préoccupation profonde" de l'Australie et a affirmé qu'"un travail très dur" était fourni en coulisses pour assurer sa libération, disant privilégier les "voies diplomatiques".
Selon des médias australiens, Kylie Moore-Gilbert a été condamnée en première instance à dix ans de prison et c'est après une confirmation de ce verdict en appel qu'elle a décidé d'entamer une grève de la faim.
En réponse, le porte-parole des Affaires étrangères iranienne, Abbas Moussavi, a indiqué le 28 décembre que Kylie Moore-Gilbert, "comme tout autre individu condamné, purgera sa peine en bénéficiant de tous ses droits légaux".
Un troisième chercheur incarcéré
Outre les Docteures Kylie Moore-Gilbert et Fariba Adelkhah, le compagnon de cette dernière, Roland Marchal, spécialiste de la Corne de l'Afrique et chercheur au CERI, est détenu en Iran depuis juin pour "atteinte à la sécurité nationale en raison de son lien d'amitié" avec sa consœur.
"En ce jour de Noël, notre solidarité et nos pensées d'espoir vont vers Fariba, Roland et tous les autres prisonnières et prisonniers de l'arbitraire", a déclaré le CERI. Les deux chercheurs de Sciences Po possèdent un comité de soutien qui tient un blog sur internet.
Le 10 décembre, le président français Emmanuel Macron avait réclamé la libération "sans délai" des deux chercheurs français, dénonçant une situation "intolérable".
Stéphanie Jaquet et l'afp
Téhéran dénonce "l'ingérence" de Paris
Les autorités iraniennes ont dénoncé dimanche l'"ingérence" de Paris dans l'affaire de Fariba Adelkhah, l'anthropologue franco-iranienne détenue en Iran depuis juin sous l'accusation d'"espionnage".
L'Iran ne reconnaît pas la double nationalité. Les arrestations d'étrangers en Iran, notamment binationaux – souvent accusés d'espionnage – se sont multipliées depuis le retrait unilatéral en 2018 des Etats-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien et le rétablissement de dures sanctions américaines contre Téhéran.
Vendredi, les Affaires étrangères françaises ont convoqué l'ambassadeur d'Iran à Paris pour dénoncer la détention "intolérable" de Mme Adelkhah et du chercheur français Roland Marchal. Elles ont fait part dans un communiqué de leur "extrême préoccupation" sur la situation de Mme Adelkhah "qui a cessé de s'alimenter, et réitéré (leur) demande d'accès consulaire".
Une demande "sans base légale"
"Le communiqué du ministère français des Affaires étrangères au sujet d'une ressortissante iranienne est un acte d'ingérence. Nous considérons cette demande comme n'ayant aucune base légale", a déclaré dans un communiqué le porte-parole des Affaires étrangères iranienne Abbas Moussavi. "La personne en question (...) a été arrêtée pour des actes d'espionnage", a-t-il ajouté, précisant que l'avocat de la chercheuse avait été informé des détails du dossier.
S'agissant de Roland Marchal, il est détenu pour avoir "comploté contre la sécurité nationale", et son consulat a pu avoir accès à lui "à de nombreuses reprises", a indiqué Abbas Moussavi.
Selon l'avocat de deux chercheurs, un juge avait décidé récemment de les libérer. Mais le ministère public s'y est opposé et l'affaire a été renvoyée au Tribunal révolutionnaire – qui juge notamment les cas d'espionnage – pour trancher, selon l'agence de presse iranienne Isna.
L'accord sur le nucléaire de 2015
Depuis le retrait unilatéral des Etats-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien en 2018 et le rétablissement de dures sanctions américaines contre Téhéran, l'Iran a commencé en mai à s'affranchir progressivement de certains de ses engagements.
L'Iran espère ainsi Ceux-ci, pris dans le cadre de l'accord sur le nucléaire de 2015, en espérant faire pression sur les autres parties à l'accord sur le nucléaire de 2015 – l'Allemagne, la Chine, la France, la Grande-Bretagne et la Russie – afin qu'ils l'aident à contourner ces sanctions qui asphyxient son économie.
Les Européens ont répété leur volonté de sauver ce texte, sans obtenir de résultats probants jusqu'à présent.