Publié

En Laponie, les rennes sont menacés à cause du changement climatique

Les rennes sont menacés en Laponie à cause du changement climatique [AP Photo/Keystone - Malin Moberg]
Le changement climatique menace les rennes en Laponie / Tout un monde / 4 min. / le 27 décembre 2019
Dans les régions proches du cercle polaire, le changement climatique dérègle le cycle naturel des rennes. Privés de nourriture en hiver, des centaines d'animaux meurent chaque année en Laponie.

Pendant les Fêtes, vous avez peut-être entendu des histoires féeriques, où des rennes volent dans la nuit en tirant le traîneau du Père Noël... Sur la terre ferme pourtant, la réalité de ces cervidés ne fait pas rêver. En Laponie, région proche du cercle polaire à cheval entre les territoires finlandais, suédois, norvégien et russe, le changement climatique dérègle leur cycle naturel. Et pousse les Samis, le dernier peuple autochtone d’Europe, à trouver des solutions pour sauver les animaux.

L’un des endroits les plus connus pour approcher les rennes est l’enclos du Nutti Sami Siida, dans le village de Jukkasjärvi en Laponie suédoise. En été, les animaux vivent dans les montagnes, loin des hommes. En hiver, ils se réfugient en plaine, dans les forêts, et on peut souvent les apercevoir au bord des routes. Mais ce cycle annuel, naturel, est de plus en plus compromis.

Privés de nourriture

"Les rennes grattent la neige avec leurs sabots pour trouver de la nourriture, comme du lichen ou des feuilles", explique Sarah Riska, guide samie. "A cause du changement climatique, la neige arrive, puis elle fond, puis il regèle et elle se transforme en glace. Et les rennes ont beaucoup de mal à casser cette glace. Beaucoup d’entre eux ne peuvent plus manger et meurent de faim."

Cette instabilité climatique, de plus en plus fréquente, a provoqué des hécatombes. Durant l’hiver 2013-2014, 60'000 rennes sont morts dans la péninsule de Yamal, en Russie. L’année dernière, deux cents d'entre eux ont connu le même sort dans le Spitzberg. Quel sera le bilan cette année? Personne ne le sait. Mais les Samis, qui sont maintenant sédentaires, doivent de plus en plus réunir leurs rennes dans des enclos, au plus fort de l’hiver, pour les nourrir.

Les rennes ne sont pas des vaches

"L’année dernière, on a eu une météo changeante et on a perdu 10% du troupeau", raconte Torbjörn Nutti, éleveur à Jukkasärvi. Pour les propriétaires de rennes, le changement climatique génère de nouveaux problèmes: "On doit les nourrir avec des granulés. C’est un problème car c’est cher, et on ne peut pas enfermer les rennes comme des vaches juste pour les nourrir. Ce n’est pas naturel pour eux, ils sont très sensibles, ça les ferait mourir car ils ont besoin de se déplacer librement dans les grands espaces", affirme l'éleveur.

Ce qui n’a pas changé, en revanche, c’est que le renne est toujours à la base du régime alimentaire sami. "Pas de sel, ni de poivre. Vous n’avez pas besoin de thym ou d’aneth, toutes ces choses vertes bizarres venues du sud", précise Sarah Riska. "C’est l’une des viandes les plus saines qui soit, avec juste 4% de graisse. Au printemps, ils perdent cette graisse, puis ils la reconstituent à nouveau. La graisse est toujours fraîche, c’est parfait."

Recette ancestrale

Henry Huuva, un autre Sami du village de Liehittäjä, explique comment fabriquer le souvas, ce morceau de renne séché que l’on sert aujourd’hui dans les meilleurs restaurants, mais que les éleveurs ont toujours dans leur poche. "J'ai mis un morceau de viande assez fin dans le sel, pendant deux jours. Quand c’est prêt, je peux le sentir en appuyant dessus avec mon doigt. En février, je le suspends à l’extérieur, et ça gèle. Puis les premiers rayons de soleil arrivent et commencent à assouplir cette viande. Le vent souffle, amène de l’air frais et ça devient sec. On peut alors le garder le temps qu’on veut. C’est une technique utilisée depuis des milliers d’années."

Si les rennes vivent dans un environnement sauvage, ils ont tous un propriétaire. En Suède, c’est le privilège des Samis. Mais pour en vivre, il faut réunir des troupeaux importants. Combien de rennes possède Henry Huuva? C’est la question qu’il ne fallait pas poser…  "Ce n’est pas poli. Demander à un Sami combien de rennes il possède, c’est comme si je vous demandais combien d’argent vous avez sur votre compte", soutient-il.

Aujourd’hui, on compte plus de 700'000 rennes en Scandinavie, dont 250'000 pour la seule Suède.

Frédéric Faux/kkub

Publié