Grimés comme le protagoniste du film "Joker", personnage qui a le sentiment d'être marginalisé et jamais pris au sérieux, ou masqués comme celui de V de Vendetta, des milliers de citoyens ont dénoncé des maux communs cette année à Bagdad, Beyrouth ou La Paz, faisant chuter cinq chefs d'Etat ou de gouvernement.
"La société ne supporte plus de payer, payer. Ils ont pressé le citron et ça devait finir par s'effondrer", lançait Marcela Paz, interrogée lors d'une manifestation d'un million de personnes au Chili fin octobre.
Ces rébellions ont en commun de se bâtir dans l'"horizontalité", "sans leader, sans organisation ni structuration dans un premier temps", observe Olivier Fillieule, spécialiste des mouvements sociaux à l'Institut d'études politiques de Lausanne.
En France ou à Hong Kong, Noël n'a pas changé la donne: aucune trêve n'a été observée dans les mouvements sociaux.
Des origines très diverses
Le boutefeu peut être relativement abstrait, comme une loi sur les extraditions à Hong Kong, ou terre à terre comme la hausse du ticket de métro à Santiago du Chili, et une nouvelle taxe sur WhatsApp au Liban, mais partout, l'étincelle déclenche des déflagrations en cascade.
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Internet amplifie les mouvements bien plus encore qu'en 2011, alors que le nombre d'internautes a plus que doublé en dix ans, passant à 4,5 milliards de personnes. Les réseaux sociaux jouent un rôle déterminant, tout comme les messageries sécurisées pour se passer des mots d'ordre ou des applications spécialement créées par les protestataires.
En Iran, en Irak ou en en Egypte, les gouvernants confrontés aux soulèvements ont tenté de les endiguer en coupant internet, sans grand succès dans la durée.
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Défiance face au système
Ce ne sont pas uniquement "des révolutions Facebook", explique toutefois Geoffrey Pleyers, sociologue à l'Université de Louvain. Il s'agit de mouvements profonds où les jeunes forment souvent les avant-gardes, mais qui dépassent les clivages générationnels. Les gilets jaunes français peuvent être souvent plus âgés; le mouvement chilien comprend beaucoup de retraités; les manifestants à Barcelone ou en Bolivie sont de tous âges, note le chercheur.
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Sur le fond, les slogans scandés traduisent la défiance des manifestants face à un système économique qui n'est plus vu comme vecteur d'ascension sociale, et à une démocratie inexistante ou sourde aux doléances des citoyens.
Ces révoltes, soulignent les experts, puisent leurs racines dans les mouvements du début de la décennie: le Printemps arabe, lancé fin 2010 en Tunisie, ou encore Occupy Wall Street, à partir de septembre 2011, contre l'austérité et les abus du capitalisme financier.
Des effets concrets
Ces mobilisations ont souvent eu des effets concrets. En seulement quelques semaines, ces mouvements ont entraîné le départ d'Abdelaziz Bouteflika en Algérie, d'Omar el-Béchir, renversé en avril après 30 ans au pouvoir au Soudan, ou encore la démission du président bolivien Evo Morales, du Premier ministre libanais Saad Hariri et de son homologue irakien Adel Abdel Mahdi.
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A Hong Kong, la loi d'extradition contestée a été retirée et la Chine a annoncé qu'elle va "améliorer" le processus de désignation du chef de l'exécutif, deux des revendications des manifestants pro-démocratie.
Mais la répression a aussi été féroce par endroits. En Iran, au moins 304 personnes ont été tuées entre le 15 et le 18 novembre, selon Amnesty International. En Irak, quelque 460 personnes ont été tuées et 25'000 blessées en près de trois mois d'une révolte inédite, qui se poursuit.
afp/boi