Plus de trois ans après la sortie du jeu en réalité augmentée Pokémon Go, en juillet 2016, près de 500 pages de documents obtenus par la chaîne CBC en vertu de la loi d'accès à l'information montrent à quel point l'armée canadienne a été surprise par l'augmentation du nombre de suspects interceptés sur les bases militaires à travers le Canada, peu après la sortie de cette application pour smartphone.
En l'espace de quelques semaines, des millions d'adeptes de ce jeu sont partis, dans le monde entier, à la chasse aux Pikachu et autres créatures imaginaires, au point de s'aventurer parfois dans des lieux strictement interdits.
"Fort Frontenac est apparemment devenu un PokéStop"
Afin de capturer des Pokémons, de les faire combattre et d'obtenir des objets utiles à la progression dans le jeu, il faut en effet se déplacer physiquement pour rejoindre divers points d'intérêt (statues, fontaines, musées, plaques commémoratives, etc.), au contact desquels plusieurs interactions sont possibles (lire encadré).
"Merci d'avertir les commissaires que le Fort Frontenac est apparemment devenu un PokéGym et un PokéStop" pour attraper des Pokémons, a ainsi écrit dans un email le major Jeff Monaghan de la base de Kingston en Ontario, ajoutant ensuite: "Pour être tout à fait honnête avec vous, je n'ai aucune idée de quoi il s'agit".
Trois enfants juchés sur des chars d'assaut
Au moins trois agents de la police militaire, dans différentes bases du pays, se sont même vu confier une mission singulière: explorer ces installations, téléphones et calepins en main, à la recherche d'infrastructures virtuelles de Pokémon Go. "Nous devrions presque embaucher un jeune de 12 ans pour nous aider", a écrit un expert en sécurité de la base de Borden, au nord de Toronto.
A l'entrée de cette base, une femme a été surprise en train de jouer à Pokémon Go avec ses trois enfants, qui étaient montés sur des chars d'assaut. Sur la même base, un homme interpellé a expliqué à un responsable qu'il jouait à Pokémon Go et cherchait simplement à accumuler plus de points "pour gagner contre ses enfants".
Peu après la sortie de l'application, les forces armées ont même dû mettre en garde publiquement les adeptes du jeu de ne pas s'aventurer sur les bases militaires en quête de Pokémons. Plus enthousiaste, une responsable de la base de Petawawa, en Ontario, endroit de prédilection pour les chasseurs de Pokémons, a dit espérer dans un e-mail que "peut-être plus de gens vont visiter le musée!"
afp/Vincent Cherpillod
Des lieux choisis par les joueurs
On trouve dans le monde entier des milliers de points d'interaction intégrés au jeu Pokémon Go. Ils sont tous accompagnés d'un titre et d'une photo, et ce sont les joueurs eux-mêmes qui les ont "créés", en se rendant sur place et en prenant un cliché de l'endroit où ils se trouvaient.
Pour devenir un nouveau point de jeu, le lieu choisi par le joueur doit être une construction humaine d'intérêt historique, culturel, touristique, architectural ou incitant à l'activité physique. Eglises, musées, fontaines, terrains de jeu ou encore panneaux d'information culturels sont autant de candidats potentiels.
Validés par les créateurs du jeu
Dans un premier temps, les propositions des joueurs étaient validées par une équipe de modérateurs appartenant à l'entreprise Niantic, créatrice du jeu Pokémon Go et de son ancêtre, Ingress. Plus tard, les joueurs eux-mêmes ont été chargés d'approuver, ou non, les nouvelles propositions soumises par leurs homologues.
Or, si la règle interdit de créer des points de jeu à l'intérieur des propriétés privées résidentielles, rien n'empêche de le faire dans des bases militaires interdites au public, pour peu qu'on y trouve un élément d'intérêt, ont toujours défendu les créateurs du jeu - afin, par exemple, que les militaires et leur famillle puissent jouer pendant leur temps libre. Dans le même temps, ils invitent toutefois les joueurs qui ne disposent pas d'un droit d'accès à ne pas y faire intrusion.