"Certains de mes enfants sont scolarisés. Mais j’ai dû sortir de l’école les plus grands pour venir m’aider dans la plantation. Ils travaillent avec moi maintenant." Monsieur Koné* (nom connu de la rédaction) est un agriculteur certifié UTZ en Côte d’Ivoire, un label qui se présente comme la garantie d’un cacao éthique. Mais plusieurs de ses enfants âgés entre 10 et 16 ans travaillent avec lui.
La situation de la famille Koné tranche avec les promesses du label: la lutte contre la pauvreté et le travail des enfants. Le label verse des primes en argent aux planteurs et donne des formations. L’organisme hollandais de certification UTZ est le label numéro un sur le marché. Il est largement utilisé par les multinationales du chocolat, comme Mars, Hershey, Nestlé et bien d’autres.
Extrême pauvreté
Plusieurs familles de planteurs de cacao UTZ ont été visitées en décembre 2019 par Mise au Point. Le constat est amer. Pauvreté et travail des enfants ont été relevés dans les plantations UTZ. Sur le site web de UTZ, un rapport confirme ces observations: "Le revenu net pour les membres d’une famille est identique pour une ferme certifiée UTZ et une ferme non-certifiée."
Ce rapport, Towards sustainable cocoa in Cote Ivoire, ne vient pas d’une organisation humanitaire virulente. Il a été commandité par l’organisme UTZ lui-même. On peut également lire: "Le pourcentage des fermes qui utilisent des enfants pour des travaux dangereux est de 16% dans les fermes UTZ et 14% dans les fermes non-UTZ."
Travail d’enfants dans les fermes certifiées
Le porte-parole du label explique que UTZ ne souhaite pas cacher le travail des enfants, mais le détecter et trouver des solutions. Ceci expliquerait la proportion plus importante d’enfants dans les fermes certifiées UTZ.
"Une simple interdiction du travail des enfants n’est pas efficace, explique le porte-parole. Chez UTZ, nous favorisons la formation des agriculteurs. Nous mettons actuellement en place un système d’évaluation, de suivi et de remédiation."
Des audits lights
Le travail de contrôle du label est sous-traité à des certificateurs privés. Des sous-traitants qui sont chargés de vérifier le respect des règles à l’obtention du label. Un de ces sous-traitants explique en caméra cachée: "En tant que sous-traitants, plus nous sommes sérieux lors des contrôles, moins nous avons de clients. Il y a beaucoup de concurrence. Cela pousse les entreprises actives dans le chocolat à prendre des certificateurs qui font des audits light. Les prix sont trop bas pour faire un vrai contrôle. Il y a beaucoup de fraude dans le milieu."
De son côté, UTZ explique prendre des mesures pour garantir un système d’audit fiable: "UTZ travaille uniquement avec des certificateurs accrédités et qui respectent des critères internationaux stricts. (…) UTZ prend des mesures en cas de mauvaise pratique. Quatre certificateurs ont été réprimandés. Deux autres certificateurs ont été interdits."
Des enfants esclaves
Les labels ne protègent pas contre les pires formes de travail des enfants. Mise au Point a rencontré des adolescents dans des plantations illégales. Ces enfants et ces jeunes adultes ont quitté leur famille du Burkina Faso pour venir travailler sans salaire dans des forêts protégées.
Bloqués dans la forêt, ils sont victimes de réseaux de traite d’êtres humains. Ils travaillent pendant des années pour des patrons sans scrupule. Le cacao produit est écoulé de manière illégale dans les filières officielles du cacao. Le gouvernement ivoirien a mis en place récemment de nombreuses opérations avec les gardes-faune et l’armée. Des missions pour protéger les forêts classées et lutter contre les plantations illégales et traite d’êtres humains. La tâche est immense. Les estimations de l’UNICEF parlent de plus d’un million d’enfants qui travaillent avec leurs parents dans les plantations de cacao. Ils seraient environ 15'000 enfants esclaves, sans parents et loin de chez eux.
François Ruchti/boi