Modifié

"L'Union européenne viole le droit international en mer Egée"

L'invité de La Matinale (vidéo) – Jean Ziegler, sociologue
L'invité de La Matinale (vidéo) – Jean Ziegler, sociologue / La Matinale / 11 min. / le 8 janvier 2020
Après avoir visité les centres d'accueil des migrants en Grèce, Jean Ziegler publie "Lesbos, la honte de l'Europe". Les fameux "hot spots" établis par l'Union européenne sur l'île grecque sont pour le conseiller du Conseil des droits de l'Homme des Nations unies de véritables camps de concentration, des lieux de corruption, aux conditions d'accueil honteuses.

C'est le "J'accuse" de Jean Ziegler, 85 ans et toujours en colère. "Lesbos, la honte de l'Europe" dénonce: c'est en tant que membre du Comité consultatif du Conseil des Droits de l'Homme que le sociologue a visité en mai 2019 les "hot spots" de l'île grecque. Il parle d'une politique de la terreur concertée de l'Union européenne pour décourager les réfugiés.

"Médecins Sans Frontières a dit que les cinq 'hot spots' sur la mer Egée ressemblent à des camps de concentration. Il se joue une tragédie ignorée par la plupart des gens en Europe", affirme Jean Ziegler. "L'Union européenne a décidé de 'protéger' – comme disent les bureaucrates de Bruxelles – les frontières sud de l'Europe contre les réfugiés: ils sont vus comme un danger".

Le Genevois explique que Lesbos abrite le plus grand centre d'accueil et de tri qui se trouve dans la mer Egée; il pointe du doigt Frontex, l'agence européenne de gardes-frontière et de gardes-côtes, qui tente de repousser et "d'intercepter dans les eaux internationales les embarcations rudimentaires des réfugiés qui essaient d'atteindre la côte de l'Europe.

Les bateaux militaires de Frontex et des gardes-côtes turcs et grecs sont financés par l'Union européenne et l'OTAN. En repoussant ces rafiots, ils empêchent les réfugiés de déposer une demande d'asile sur sol européen: c'est une violation totale du droit international!", affirme Jean Ziegler.

Des conditions de vie indignes

Les "hot spots" sont des centres d'accueil qui existent normalement pour faciliter l'entrée des réfugiés dans le processus d'asile. Mais le sociologue y dénonce les terribles conditions de vie: dans son livre, il les dit pire que les favelas de Rio, les bidonvilles de Manille et de Dacca.

"La tragédie est double", insiste Jean Ziegler: "D'abord l'interception en haute mer avec violence et le refoulement vers la Turquie, c'est une première violation du droit international dont se rend responsable l'Union européenne: c'est la liquidation du droit d'asile. La deuxième violation, ce sont les conditions de vie derrière les barbelés de l'OTAN dans des bases militaires totalement surpeuplées: plus de 20'000 réfugiés – dont 35% sont des enfants et des femmes – se trouvent dans une base qui a été construite pour 6000 soldats".

"Il y a dans ces hot spots, ces camps d'accueil, des conditions de vie totalement intolérables: des enfants pieds nus dans la neige derrière des barbelés, une nourriture souvent immangeable", précise Jean Ziegler. Pour lui, ces conditions inhumaines sont "créées par l'Union européenne dans un seul but: créer la terreur et la dissuasion pour empêcher l'arrivée d'autres réfugiés. Or, c'est complètement idiot, car si, comme c'est le cas ce matin, vous êtes bombardés à Idleb, en Syrie, quelles que soient les nouvelles que vous recevez des 'hot spots' et de leurs conditions d'accueil, vous partez quand même parce qu'il s'agit de votre vie".

>> Voir aussi le reportage du 19h30 du 28 novembre dans le camp de Lesbos :

Des dizaines de milliers de migrants en grande précarité dans le camp de Moria à Lesbos
Des dizaines de milliers de migrants en grande précarité dans le camp de Moria à Lesbos / 12h45 / 1 min. / le 28 novembre 2019

Interview radio: Xavier Alonso

Adaptation web: Stéphanie Jaquet

Publié Modifié

L'Europe va doubler ses opérations d'aide en matière d'asile

Le bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) a annoncé mardi le doublement de ses opérations en 2020, pour atteindre 2000 personnes sur le terrain. Un de ses objectifs prioritaires est de renforcer sa présence en Grèce, à Chypre et à Malte, où l'afflux de migrants a explosé en 2019.

Très loin des flux migratoires au plus fort de la crise en 2015, 110'669 migrants et réfugiés ont rallié l'Europe après avoir traversé la mer en 2019, selon les chiffres publiés par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) de l'ONU. Soit dix fois moins que le million de personnes arrivées en 2015.

ats/sjaq