Son visage remplace les photos de profil sur les réseaux sociaux. L’appel à la vengeance gronde sous le hashtag #hardrevenge (dure vengeance). Des foules compactes manifestent leur chagrin.
Depuis l'assassinat de Qassem Soleimani par une frappe américaine, les réactions se font vives, et les cérémonies d'hommage se multiplient, autant en Iran qu'en Irak, Liban, Afghanistan, mais aussi en Occident.
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D'homme fort à martyr incontestable
Si de son vivant, le célèbre général pouvait être controversé, il devient intouchable dans sa mort.
"Qassem Soleimani était connu en Iran comme étant un général important, et beaucoup de gens ne l'aimaient pas, surtout dans la classe moyenne", explique Farhad Khosrokhavar, sociologue franco-iranien à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) de Paris.
"Or les Américains ont transformé cet homme en un martyr, c'est-à-dire en quelqu'un qu'on tue et qu'on vilipende injustement, ce qui lui donne une stature nouvelle".
Mardi, lors des funérailles du général, le chef des Gardiens de la Révolution affirmait: "Le martyr Qassem Soleimani est plus puissant et vivant maintenant qu'il est mort".
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La martyrologie dans le chiisme
La figure de martyr est centrale dans le chiisme, branche de l'islam dont sont issus nombre de musulmans au Moyen-Orient. Chaque année, ceux-ci commémorent avec beaucoup d’ardeur le martyr suprême de l'Imam Hossein, petit-fils du prophète Mahomet, il y a plus de 1300 ans. Cette figure sacrificielle est devenue le symbole de la résistance contre l’oppression.
Or, pour le deuil de Qassem Soleimani, les processions reprennent les mêmes symboles, chants et drapeaux que pour Hossein, comme on peut le voir sur ces images:
Un artiste a par ailleurs dépeint les deux figures enlacées, image publiée sur le compte Instagram du guide suprême Ali Khamenei.
Le général apparaît ainsi comme un Hossein contemporain, héritier de la lutte sacrée contre l’injustice, qui s'incarne aujourd'hui dans les Etats-Unis. Tous les soldats américains sont désormais considérés comme terroristes par la République Islamique.
La figure de martyr, purement religieuse jusqu'au 19ème siècle, s'est ainsi transformée en symbole idéologique sur lequel se base le régime révolutionnaire iranien, analyse Farhad Khosrokhavar dans son livre "Les nouveaux martyrs d’Allah".
L'effet inverse de la frappe américaine
La frappe des Etats-Unis, censée fragiliser l'Iran, a eu l'effet inverse, selon des experts qui voient une consolidation de "l'axe de la résistance" anti-américaine au Moyen Orient.
"Le président Trump a au moins réussi à unifier les factions politiques en Iran. Des messages de soutien à Soleimani et des condamnations des Etats-Unis sont venues de tous bords, même de la part des modérés et réformistes habituellement critiques des Gardiens de la Révolution", explique Negar Mortazavi, journaliste irano-américaine interviewée par la RTS.
Si ce n'est pas le seul facteur à prendre en compte, l'inscription de Qassem Soleimani dans la symbolique du martyr est l'une des clés pour comprendre l'ampleur de la réaction à son assassinat et la colère ressentie par certains croyants. Ces derniers disent vouloir venger chaque goutte de sang versée par le général, quitte à sacrifier leur vie et le rejoindre dans le martyr.
Mouna Hussain