Dans les négociations pour la réforme des retraites, le gouvernement français a fait un pas vers un compromis samedi, en retirant provisoirement la notion très critiquée d'âge pivot à 64 ans. La proposition a été saluée par un partie des syndicats - dits "réformistes" (CFDT, Unsa et CFTC) - qui se sont dits prêts à discuter avec le patronat sur le financement pérenne du système, condition posée par le gouvernement.
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Le syndicaliste Philippe Martinez, à la tête de la CGT depuis 2015, n'a que faire du geste d'Edouard Philippe. "Le Premier ministre dit: 'Il faut travailler plus longtemps. Si vous trouvez une autre solution que la mienne, allez-y', mais en fermant toutes les portes. Il dit aussi qu'il n'est pas question de toucher au 'coût du travail', donc pas question d'augmenter les salaires ou de rétablir des cotisations sociales pour les grands groupes notamment. On nous invite donc à discuter dans un cadre très étroit, c'est une discussion contrainte."
Le sommet des syndicats "réformistes" dit oui, sa base dit non: c'est à eux de gérer ces contradictions.
Blocage, radicalité? Le meneur de la CGT refuse de caractériser le bras de fer syndical en ces termes. "Il y a des grèves, et quand il y a des grèves dans les transports, les trains et les métros ne roulent pas. C'est pareil dans tous les pays du monde. Pareil aussi pour la grève de Radio France: depuis 41 jours, il n'y a pas d'émissions", fait-il valoir. La position des syndicats plus "modérés" n'est, selon lui, pas tenable. "Les syndicats dits réformistes veulent cette réforme, alors que des travailleurs qu'ils représentent - cheminots et agents de la RATP - sont en grève. Le sommet dit oui, sa base dit non, c'est à eux de gérer ces contradictions", souligne-t-il.
En France, une majorité de syndicats représentant une majorité de salariés, soutenus par la majorité de l'opinion publique, s'oppose à cette réforme, rappelle Philippe Martinez. "Soit on écoute la majorité, soit on discute avec la minorité, mais c'est une conception de la démocratie un peu particulière."
Individualisme versus solidarité?
"La différence avec d'autres pays d'Europe, c'est que les syndicats ne sont pas respectés en France. Le premier d'entre eux qui ne les respecte pas, c'est le président de la République", accuse-t-il.
Philippe Martinez appelle ainsi à poursuivre la lutte et ne voit qu'une seule issue au blocage: le retrait pur et simple du projet de réforme des retraites d'Emmanuel Macron.
"Nous avons un système sûr, solidaire, il faut juste l'améliorer, en prenant par exemple en compte les jeunes qui étudient plus longtemps, les nouvelles formes de travail", préconise le syndicaliste. Pour améliorer le système, deux solutions. "Le gouvernement veut nous faire travailler plus longtemps, nous disons qu'il faut augmenter les recettes - en augmentant les salaires et donc les cotisations sociales, et en revenant sur les exonérations des cotisations patronales", explique le secrétaire général.
Plus qu'une bataille de chiffres, ce sont donc deux modèles qui s'affrontent: "d'un côté un projet qui individualise la retraite, et de l'autre côté un système solidaire, que nous défendons", résume Philippe Martinez.
Propos recueillis par Valérie Hauert
Adaptation web: Katharina Kubicek