Les assassinats politiques ont existé de tout temps, et dans de nombreuses civilisations. En témoigne le sort d'empereurs romains comme César, ou de rois de France comme Henri IV.
Depuis la création des Etats-Unis, pas moins de quatre présidents en exercice ont été assassinés. Sans oublier Anouar El-Sadate en Egypte, Bechir Gemayel au Liban, Yitzhak Rabin en Israël, Benazir Bhutto au Pakistan ou encore Thomas Sankara au Burkina Faso.
Tuer l'homme qui incarne le système
Mais à quelles fins ces meurtres sont-ils commis? Pour Olivier Coquard, auteur du livre "Tuer le pouvoir, les plus grands assassinats politiques de l'histoire", ceux-ci ont pour visée de changer le système institutionnel. "Il y a l'idée qu'une personne l'incarne, et qu'en tuant l'homme on anéantit le système politique."
Pourtant, cette stratégie "ne fonctionne pratiquement jamais", estime l'historien. L'un des rares cas d'assassinat qui a eu l'effet escompté est celui du Premier ministre israélien Yitzhak Rabin, tué le 4 novembre 1995 à la fin d'une manifestation pour la paix en soutien aux accords d'Oslo par un terroriste ultra-nationaliste.
Suite à son décès, le processus de paix israélo-palestinien est fortement freiné, ce à quoi aspirait l'assassin qui y était opposé. "Dans ce cas, l'assise politique de Yitzhak Rabin était assez fragile", analyse Olivier Coquard. "Il y avait déjà beaucoup d'oppositions de toutes parts. Son assassinat a été une étincelle qui a révélé la fragilité politique sous-jacente."
A l'inverse, en 1981, lorsque le président égyptien Anouar El-Sadate est assassiné en pleine parade militaire, cela ne stoppe pas le traité de paix avec Israël.
Effet inverse de l'assassinat
En plus de ne pas avoir l'effet escompté, l'assassinat d'un personnage politique peut également amplifier sa popularité, voire changer radicalement son image.
"La chance d'Henri IV, c'est d'avoir été assassiné, avance Olivier Coquard. Cela a fait oublier les fragilités de son règne et a créé le "bon roi Henri". Aujourd'hui, on ne se souvient que du roi martyr."
Jean-Claude Guillebaud, co-auteur de l'ouvrage "Sont-ils morts pour rien? Un demi-siècle d'assassinat politique", cite un cas plus récent. Au Liban, le phalangiste chrétien Bachir Gemayel, tout juste élu président, est assassiné en 1982 dans une explosion. Pour ce journaliste qui l'a cotoyé avant son décès, celui qui était alors "criminel" est ensuite perçu comme héros par les nouvelles générations.
Ainsi, d'un point de vue historique, si les assassins de personnalités politiques sont convaincus qu'ils vont pouvoir changer le système, leur geste apparaît au final souvent inefficace, voire contre-productif.
Aude Marcovitch / Mouna Hussain
Le cas John F. Kennedy
L'un des assassinats les plus marquants du 20e siècle est celui de John F. Kennedy, tué par balle le 22 novembre 1963 alors qu'il défilait devant la foule en limousine.
>> Voir les images de l'assassinat de JFK. Attention, ces images peuvent heurter les sensibilités.
"Le meurtre a été commis dans un moment de tensions politiques, au milieu d'un rassemblement politique, avec une arme symbolique dans un lieu symbolique", analyse l'historien Olivier Coquard.
"Un assassinat politique sérieux doit se faire en public. Mais on ne sait toujours pas ce qu'il s'est réellement passé et s'il s'agissait d'un assassinat politique ou non. Et, au final, la mort de JFK n'a pas eu un réel impact sur la politique américaine."
>> Voir les images d'archive de la réaction des Suisses et Suissesses:
Les assassinats ciblés sous Barack Obama
Depuis une vingtaine d'années, c'est avec des drones que certains Etats choisissent d'éliminer, à distance, les individus perçus comme des menaces pour leur sécurité nationale. Cette technique a été largement utilisée par le président américain Barack Obama.
"Si les assassinats ciblés ont toujours existé, ils restaient exceptionnels", explique Laurence Nardon, responsable du programme Etats-Unis à l'IFRI, l'Institut français des relations internationales. "La pratique s'est répandue sous l'administration Obama qui voulait être moins active dans les affaires du monde et était réticente à agir ouvertement."
"De plus, le terrorisme était incarné par des individus, et non par des Etats contre qui déclarer une guerre. Ces opérations ciblées de drones ou de commandos se sont multipliées de manière frappante au Pakistan et en Afghanistan."
Reste la question de la base juridique de tels assassinats. "Lorsqu'il s'agit de terroristes étrangers, les meurtres peuvent être justifiés comme étant des actions pour la sécurité nationale. Mais quand les terroristes sont de nationalité américaine, leur élimination est beaucoup moins acceptée par les juges et les citoyens."