Albert Hofmann avait fêté ses 102 ans en janvier dernier. A Pâques, il s'exprimait encore en public à Bâle lors d'un congrès sur les substances psychoactives, le "World Psychedelic Forum". Mardi, le chimiste suisse s'est éteint chez lui à Burg (BL). La secrétaire communale a confirmé la nouvelle mercredi.
Albert Hofmann est né en 1906 à Baden (AG). De 1929 à 1971, il a travaillé comme chercheur dans les laboratoires pharmaceutiques du groupe bâlois Sandoz, où ses travaux ont conduit l'élaboration de différents médicaments à succès.
Par hasard
C'est en étudiant les alcaloïdes de l'ergot de seigle en 1938 qu'il découvre un 25e composé, le diéthylamide de l'acide lysergique. En abrégé, LSD 25. Toutefois, Albert Hofmann n'en découvrira les propriétés que cinq ans plus tard, par hasard.
Le 16 avril 1943, il fait son premier «trip». Il fait tomber par inadvertance une goutte de LSD sur la main. Il est alors troublé par d'étonnantes sensations: angoisse, vertiges, visions surnaturelles, objets se mouvant dans l'espace, sentiment de bonheur et de gratitude. Un nouveau test produit les mêmes effets.
Pourtant, le chimiste n'imagine pas encore que sa découverte sera glorifiée par des millions de personnes, écrit-il dans son livre "LSD – Mon enfant terrible". Il destinait sa découverte avant tout à des utilisations en psychiatrie ou en neurologie.
Succès thérapeutiques
Sandoz produira du LSD-25 en dragées et en ampoules destiné au corps médical entre 1947 et 1966. En 1947, l'Université de Zurich effectue une première expérience sur l'être humain et publie un rapport favorable sur cette substance: elle met en évidence les problèmes des patientes et des patients, alors qu'un tranquillisant les occulte.
Les expériences positives se multiplient: le LSD est utilisé pour désintoxiquer les alcooliques ou pour aider les cancéreux à faire face à la mort. Même l'armée américaine teste la substance sur des soldats.
Parallèlement, le LSD devient une drogue de plaisir. Dès le début des années 1960, surtout aux Etats-Unis, c'est la drogue numéro un dans le mouvement hippie, qui donne naissance à l'art psychédélique. Un auteur écrit à l'époque: "Le LSD est le Christ du XXe siècle sous forme chimique".
ats/tac
La mauvaise réputation
Albert Hofmann est parmi les premiers à prévenir des abus du LSD: cette substance n'est pas une drogue de plaisir: son absorption à la légère peut être extrêmement dangereuse, écrit-il.
Les excès donnent mauvaise réputation au LSD, qui finit par être interdit aux Etats-Unis en 1966. Sandoz arrête sa production la même année.
Depuis, la consommation n'a pas cessé pour autant, mais elle est devenue marginale. Le LSD est brièvement revenu à la mode dans les années 1990 au sein de la scène techno.
Entré dans l'histoire comme «M. LSD», Albert Hofmann relève avant tout les effets de ce produit sur la conscience humaine, dont il a été «un grand explorateur», selon le conseiller fédéral Moritz Leuenberger.
«Sous l'emprise du LSD, on voit, on entend et on sent différemment, de manière très intense».
Une étude suisse
Depuis plusieurs années, des scientifiques de premier plan réclament un assouplissement de l'interdiction du LSD dans la recherche et la thérapie. Mais les efforts de réhabilitation médicale piétinent.
Un premier pas a été franchi en Suisse. La Confédération vient d'autoriser une étude pilote de deux ans. Le psychothérapeute Peter Gasser va traiter douze patients atteints de maladies physiques graves, comme le cancer, et qui souffrent de peurs existentielles. Le médecin suppose que le LSD permettra d'appaiser leurs angoisses et leurs douleurs.