La pluie fine n’a pas douché les ardeurs de partisans du Brexit. Pas question de rater ce moment historique qu’ils ont appelé de leurs vœux depuis le référendum de juin 2016. Il a fallu trois ans et demi pour en arriver là, c’est long, trop long pour beaucoup d’entre eux.
"J’avais déjà dit non en 1974, je me doutais de ce qui risquait d’arriver", confie une passante venue avec sa fille, les yeux sertis de bleu et rouge. "On a adhéré à un club, les règles ont changé. On était venu pour du foot, on a eu du hockey. Ce n’est pas ce que nous voulions", résume la jeune femme.
Pieds dans la gadoue et l’union jack (le drapeau britannique) sur les épaules, l’ambiance rappelle celle des stades de foot si prisé de ce côté de La Manche. Ne serait-ce la bière qui coule à flots, l’ambiance est plutôt bon enfant. Et la patience de mise.
Une célébration minutée
De la patience, il en faudra aux spectateurs. La célébration, organisée par le Brexit party de Nigel Farage, le principal artisan du Brexit, est savamment orchestrée et minutée. Le début des festivités est prévu à 21h, mais il aura finalement lieu avec du retard alors que Parliament square se resserre. La foule joue des coudes, le bruit est assourdissant.
Vendredi soir, Big Ben en travaux ne sonnera pas. Alors les pro-Brexit ont fabriqué leur propre machine pour sonner le glas de la relation du Royaume-Uni avec l’Union européenne, un mariage tumultueux depuis ces débuts en 1973, désormais bel et bien enterré.
La projection commence. Dans les rangs, on retient son souffle. Le son est mal réglé. Les interlocuteurs se succèdent entrecoupés de chants patriotiques ou de classiques de la culture pop rock british. Des archives de la BBC montrant d'éminents acteurs politiques défilent. Les uns comme Tony Blair ou David Cameron sont hués, les autres, l’actuel Premier ministre Johnson, ou la star de la soirée Nigel Farage, acclamés. Les drapeaux s’agitent, la place s’échauffe.
Discours bref
Il est 22h45 quand celui que tous attendaient entre en scène, au son de "Final countdown". En vrai showman, celui qui a siégé plus de 20 ans à Bruxelles crie: "Bonsoir les Londoniens". Et de scander: "Dans 15 minutes, quelque chose d’incroyable aura lieu: nous allons quitter l’UE."
Dans un discours aussi clair que bref, Nigel Farage salue la démocratie qui donne le pouvoir au peuple, dénonce l’establishment et se réjouit que Londres n’ait plus à négocier avec quelqu’un comme Jean-Claude Juncker. Héros du jour, il chante aussi, et c’est plus surprenant, les louanges de Boris Johnson. Est-ce une façon de remercier le Premier ministre de lui avoir laissé la vedette en ce 31 janvier 2020?
Les autorités britanniques ont en effet décidé, après plusieurs semaines de discussions, de faire profil bas en ce jour de Brexit, peut-être parce que comme l’a rappelé Boris Johnson dans son allocution, ce jour est finalement plus un début qu’une fin.
Peu de préoccupations
Mais à Londres, ce soir, les futures relations du Royaume-Uni avec le reste du monde préoccupent peu de monde. "Il n’y a aucune raison pour que ça se passe mal", assure un homme venu du sud de l’Angleterre. Comme pour Nouvel An, le compte à rebours est ensuite lancé. 30, 29, 28... 3, 2, 1... On est sortis!
Acclamations et embrassades, champagne pour certains, on chante "God Save the Queen" et déjà les lumières se rallument. La fête est finie: les pro-Brexit ont eu ce qu’ils voulaient et, comme le dit la devise des chevaliers, britanniques d’ailleurs: "honni soit qui mal y pense".
Reportage multimédia: Juliette Galeazzi avec Laurent Burkhalter (à Londres)