Une jeune Française a reçu des milliers de menaces de mort et de viol depuis la semaine dernière, après avoir tenu des propos insultants envers Dieu et l'islam sur les réseaux sociaux. Prise au coeur d'une tempête médiatique, dont se sont emparés les politiques, Mila a revendiqué son droit au "blasphème" dans une unique prise de parole publique, lundi dans l'émission Quotidien de TF1.
Dispute sur Instagram
La lycéenne et chanteuse en herbe de 16 ans a tenu les propos incriminés lors d'un "live" sur Instagram, où elle discutait avec ses abonnés. Un jeune homme qu'elle avait éconduit et ses amis s'en sont pris à elle, à coups d'insultes homophobes et sexistes, en faisant référence à leur religion. Enervée, Mila a répondu avec une vidéo, devenue virale.
"Le sujet a commencé à déraper sur la religion. Moi j'ai clairement dit ce que j'en pensais, parce que la liberté d'expression, tu connais!", se justifie-t-elle sur les réseaux sociaux. Mila répète "détester la religion", et évoque une "religion de haine", en référence à l'islam. "Je ne suis pas raciste. On ne peut pas être raciste envers une religion", insiste-t-elle, promettant que personne ne pourra "lui faire regretter" ses propos.
Droit au blasphème revendiqué
Mais depuis, la jeune femme ne peut plus retourner à son lycée pour des raisons de sécurité. Et la polémique ne cesse d'enfler. Mila a donc accepté une seule interview, dans l'émission Quotidien de TF1. "Je n'ai jamais voulu viser les êtres humains. J'ai voulu blasphémer, parler d'une religion, dire ce que j'en pensais", a-t-elle expliqué, assurant qu'elle "a toujours été athée".
Face à Yann Barthès, la jeune femme reconnaît "regretter deux choses dans cette histoire: c'est de l'avoir dit sur les réseaux sociaux, parce que je n'ai pas mesuré l'ampleur que ça pourrait prendre. Et c'est de l'avoir dit de manière aussi vulgaire, parce que j'aurais pu argumenter".
Politiques divisés
L'apparition de Mila dans Quotidien a rallumé la guerre entre les #JeSuisMila et les #JeNeSuisPasMila sur les réseaux sociaux. Et la classe politique française n'est pas en reste.
Il y a ceux qui défendent Mila sans condition, comme le vice-président du Rassemblement national, Jordan Bardella.
D'autres sont plutôt adeptes du "Oui mais", comme Ségolène Royal, qui estime "ne pas être Mila". "Il y a une liberté de critiquer les religions, mais je refuse de poser le débat sur la laïcité à partir des déclarations d'une adolescente (...), parce que ce n'est pas à partir de comportements comme ceux-là qu'on peut poser sérieusement la question de la laïcité, et je ne veux pas non plus qu'on instrumentalise cette jeune fille", a déclaré l'ancienne ministre socialiste, dimanche sur France 3.
La ministre de la Justice Nicole Belloubet, elle, a estimé que "l'insulte à la religion" était "une atteinte à la liberté de conscience", avant de rétropédaler et de parler "d'erreur de formulation".
Mardi sur BFM-TV et RMC, le maire LR de Nice Christian Estrosi a lui réagi aux virulentes menaces déversées sur la lycéenne. "On ne peut pas accepter celles et ceux qui l'insultent, et encore moins ceux qui profèrent des menaces à son égard", a-t-il déclaré. Mais pour lui, le cas de Mila exige "de légiférer sur l'usage des réseaux sociaux car sans doute que Mila a une part de responsabilité.
Mila, elle, ne sait toujours pas comment elle pourra poursuivre sa scolarité et mener une vie normale en France. Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a indiqué mardi que la lycéenne et sa famille faisaient "l'objet d'une vigilance particulièrement de la part de la police nationale".
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Le blasphème est-il punissable?
Le blasphème est une "parole ou (un) discours qui outrage la divinité, la religion ou ce qui est considéré comme respectable ou sacré", selon la définition du dictionnaire Larousse.
En France, le délit de blasphème a été abrogé en 1881 par la loi sur la liberté de la presse. Il est donc possible de critiquer, voire d'insulter publiquement une religion comme l'a fait Mila, mais il est en revanche interdit d'insulter les adeptes de cette même religion. La discrimination, la diffamation ou l'injure envers des personnes religieuses peuvent, elles, être punies.
En Suisse, par contre, le Conseil fédéral a refusé en février 2019 d'abroger le délit de blasphème. L'offense publique aux croyances religieuses est aussi punissable dans d'autres pays d'Europe, comme l'Italie ou la Pologne. L'Irlande, elle, a abrogé ce délit en 2018.