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"A cause du terrorisme, les gens ont délaissé la liberté pour la sécurité"

L'invité de la Matinale (vidéo) - "À la barre", le nouveau spectacle d’Éric Dupond-Moretti
L'invité de la Matinale (vidéo) - "À la barre", le nouveau spectacle d’Éric Dupond-Moretti / La Matinale / 10 min. / le 7 février 2020
Le célèbre avocat pénaliste français Eric Dupont-Moretti était l'invité vendredi de La Matinale. Il se produira sur scène ce week-end à Lausanne dans son spectacle "A la barre" qui se veut être un plaidoyer pour la liberté et pour le droit contre l'hyper-moralité de la société.

"C'est après avoir reçu des centaines de lettres d'insultes et d'incompréhension suite à la défense d'Abdelkader Merah (ndlr: le frère de Mohammed Merah) que j'ai décidé de faire ce spectacle. Je me suis rendu compte que les gens ne savent pas à quoi sert un avocat et qu'il était temps de l'expliquer", débute Eric Dupont-Moretti au micro de La Matinale.

Lutter contre la bien-pensance

Dans son spectacle, l'avocat - qui a notamment défendu plusieurs accusés souvent décriés, comme Patrick Balkany, Bernard Tapie ou l'ancien ministre Jérôme Cahuzac, - va entre autres aborder la question de la présomption d'innocence et de ce qu'il appelle "le pilori médiatique": "Les gens, comme par exemple Roman Polanski, sont condamnés avant même d'avoir pu exprimer un seul mot. Sans prendre parti dans cette affaire, j'estime qu'on va un peu vite. La présomption d'innocence n'est pas faite pour les chiens", affirme l'homme de loi, qui précise qu'il pourrait défendre n'importe qui pour autant qu'on ne lui demande pas de défendre une cause.

"Lorsque j'ai décidé de défendre Abdelkader Merah, la question pour moi était de dire qu'un homme, fût-il l'incarnation à un moment donné du mal absolu, doit encore bénéficier des règles qui sont les nôtres, sans quoi nous tomberions dans la barbarie", explique Eric Dupont-Moretti.

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Surtout, l'avocat français part en guerre dans son spectacle contre la bien-pensance. "On est dans une époque qui manque de nuance, dans une sorte de manichéisme absolu: il y a le bien, la bien-pensance d'un côté, et le mal absolu de l'autre. C'est blanc ou noir, sans nuance possible, les uns contre les autres, et je trouve ça très inquétant. Les gens, aujourd'hui, notamment sous l'influence du terrorisme, ont choisi la sécurité et ont délaissé la liberté", précise l'avocat sur les ondes de la RTS.

"L'accusé est relégué à peu de choses"

Une dictature de l'émotion qui se retrouve aussi dans les tribunaux, où l'accusé est relégué à peu de choses, estime Eric Dupont-Moretti: "L'émotion prend toute la place, d'abord dans les médias et ensuite il y a une traduction de cela en termes judiciaires, ce qui est inquiétant. Dans le cas des féminicides par exemple, les droits de la défense n'ont quasiment plus cours. On livre des noms en pâture avant même que le procès ne commence et tout va trop vite. La justice est rendue au pied du mur".

La solution prônée par le pénaliste pour lutter contre le communautarisme croissant, notamment en France, est le dialogue: "Je pense qu'il faut discuter. La parole a quelque chose d'apaisant. Le linguiste Alain Bentolila explique que tant que les gens se parlent, ils ne passent pas à la violence. C'est l'antidote, car quand on ne se parle plus, c'est les uns contre les autres".

Propos recueillis par Julien Bangerter
Adaptation web: Jérémie Favre

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