Malgré cette absence, la juge ougandaise Julia Sebutine, qui
préside la chambre du Tribunal spécial du Sierra Leone (TSSL)
délocalisée à La Haye, a ordonné la poursuite du procès. La
première audience s'est achevée vers 14H00 GMT et les débats ont
été ajournés au 25 juin.
Dans une lettre lue par son avocat, le Britannique Karim Khan,
l'accusé a fait part de son refus de comparaître. "Je n'aurai pas
de procès équitable devant le TSSL. (...) Je me vois contraint de
ne pas comparaître", a-t-il indiqué. "Je ne peux pas participer à
cette comédie qui est injuste pour le peuple du Liberia et pour le
peuple de Sierra Leone".
Charles Taylor (59 ans), qui a aussi décidé de se défendre seul,
est emprisonné depuis un an au Centre de détention de Scheveningen,
en banlieue de La Haye, où était également détenu l'ancien
président yougoslave Slobodan Milosevic jugé par le Tribunal pénal
international (TPI) pour l'ex-Yougoslavie, et où il est décédé le
11 mars 2006.
Procès historique
"Ce procès a une signification historique parce qu'il traite de
crimes graves commis par un ancien chef d'Etat", a commenté le
procureur du TSSL Stephen Rapp. Taylor doit répondre de 11 chefs
d'inculpation de crimes de guerre et crimes contre
l'humanité.
Selon l'acte d'accusation, il contrôlait des rebelles au Sierra
Leone qui ont tué et mutilé des civils, contraint des femmes à
l'esclavage sexuel et recruté ou forcé des enfants à s'enrôler
comme soldats. L'accusé est considéré comme la figure centrale dans
les guerres civiles qui ont ravagé le Libéria et la Sierra Leone
entre 1989 et 2003 et fait près de 400'000 morts.
Le tribunal le soupçonne essentiellement d'avoir alimenté dès mars
1991 la rébellion du Front révolutionnaire uni (RUF) avec lequel il
aurait trafiqué armes et diamants. Le conflit en Sierra Leone a
duré une décennie (1991-2001) et fait quelque 120'000 morts.
Procès délocalisé
L'accusation compte présenter 150 témoins. Le TSSL est basé à
Freetown, mais Taylor a été transféré à la demande de la présidente
libérienne Ellen Johnson Sirleaf qui invoquait des raisons de
sécurité. La Cour pénale internationale (CPI) lui loue ses locaux
et ses cellules.
Charles Taylor plaide non coupable. Selon son avocat, Me Karim
Khan, il n'est qu'un acteur mineur du conflit, pour avoir soutenu
le Front révolutionnaire uni (RUF) et le Conseil des forces armées
révolutionnaires (AFRC), des groupes révolutionnaires
sierra-léonais.
Me Khan s'est toujours plaint lors des audiences de préparation du
procès du manque de temps et de moyens à disposition de la défense,
ajoutant que la délocalisation des audiences privait son client
d'un procès équitable. S'il est condamné à l'issue du procès qui
devrait prendre un an et demi, selon l'accusation, la
Grande-Bretagne est prête à l'accueillir comme prisonnier.
afp/cab
Charles Taylor en bref
Charles Ghankay Dahkpannah Taylor est né en 1948 dans une banlieue aisée de Monrovia d'un père et d'une mère d'origine afro-américaine appartenant à l'ethnie des Gios, qui ont dirigé le Liberia de 1822, date de sa fondation, à 1980.
Diplômé d'économie du Bentley College (Massachusetts), il entre en 1979 dans la fonction publique libérienne. Accusé en 1983 du détournement de 900'000 dollars, il se réfugie aux Etats-Unis où il est emprisonné avant de s'évader et de fuir en Côte d'Ivoire, puis en Libye, où il passe par des camps d'entraînement.
Fin 1989, il déclenche au Liberia une des plus atroces guerres civiles du continent africain, recourant notamment au recrutement forcé d'enfants soldats.
En 1997, après un accord de paix, les Libériens élisent Taylor à la présidence lors d'un scrutin paradoxalement considéré comme assez démocratique.
En 1999, la rébellion des Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (Lurd), soutenue par plusieurs pays voisins et appuyé en sous-main par les Etats-Unis, progresse vers Monrovia. La guerre s'achève par trois mois de siège de la capitale (juin-août 2003).
Taylor quitte le pays le 11 août 2003 pour un exil doré au Nigeria, mettant fin à 14 ans de conflits qui ont fait 300'000 morts et des centaines de milliers de déplacés.
En mars 2006, le président nigérian Olusegun Obasanjo accepte de le livrer au Liberia. Taylor est interpellé fin mars alors qu'il tentait de passer au Cameroun.