Il faut passer par Aigle pour emprunter le train qui grimpe au terminus de Leysin-Grand Hôtel. C'est sur les hauteurs vertigineuses de cette commune vaudoise que se côtoient les pistes de ski et le bâtiment principal de l'American School, autrefois clinique de soins contre la tuberculose.
Là, quelque 300 élèves de 60 nationalités différentes suivent leur cursus scolaire qui doit les mener à l'université, pour un écolage de 99'000 francs par an. C'est dès 12 ans que ces fils et filles de diplomates, patrons et entrepreneurs du monde entier peuvent arborer l'uniforme orné d'un bouquetin et drapé de leurs couleurs nationales.
Depuis les Préalpes vaudoises, les 18% d'élèves américains suivent avec plus ou moins d'intérêt le lancement de la campagne présidentielle. "Je ne connais pas les candidats démocrates, hormis Bernie Sanders qui se représente", admet Nicky, 17 ans.
Etudiante à Leysin depuis quatre ans, la jeune Américano-Suisse espère seulement que le gagnant sera "plus ouvert" que Donald Trump. "Je vois les conséquences de sa politique sur ma propre famille. Ma mère n'ayant pas la citoyenneté américaine, toutes les procédures sont devenues beaucoup plus compliquées pour elle."
Je veux tout savoir des candidats pour choisir au mieux notre futur président.
Nicholas, lui, se sent totalement impliqué. A quelques mois de la majorité, il suit la campagne avec assiduité. "Je veux tout savoir des candidats pour choisir au mieux notre futur président. Pour l'instant, je penche pour Pete Buttigieg, parce qu'il est jeune. Je ne pensais pas qu'il aurait ses chances mais après le caucus de l'Iowa, j'y crois un peu plus."
Originaire du Texas, le jeune homme ambitionne de devenir diplomate et de représenter les Etats-Unis. Pour lui, son pays devrait développer ses relations internationales: "Le monde se globalise. Notre président devrait être dans cette même dynamique de connexion."
A mon âge, la politique américaine ne m'intéresse pas.
A l'extrême inverse, Oliver admet n'avoir aucun intérêt pour la présidentielle. À 15 ans, le droit de vote lui paraît bien lointain: "Avec mes amis, on ne parle pas tellement de politique, ça ne nous intéresse pas. En plus, comme je n'ai jamais vécu aux Etats-Unis, je ne me sens pas vraiment concerné."
Le fils de diplomates basés à Washington espère pourtant une ouverture de son pays d'origine sur le monde: "Moi qui ai vécu dans six pays différents, j'aimerais bien que les Etats-Unis développent leurs relations internationales."
Même si mes grands parents n'y croient pas, notre voix compte aussi.
Issue d'une minorité visible aux Etats-Unis, Phoenix, 16 ans, donne beaucoup de poids à son futur vote: "Mes grands-parents pensent qu'ils ne sont pas entendus. Moi, au contraire, je veux porter notre voix pour qu'elle soit prise en compte."
Et si elle le pouvait, celle qui espère devenir avocate voterait Elizabeth Warren. "Elle vient du même Etat que ma famille, le Massachusetts, elle a plein d'idées, et en plus c'est une femme. Ce serait super d'avoir enfin une présidente."
Les Suisses rigolent quand on parle de Trump. Mais pour nous c’est important, parce que c’est notre pays, notre gouvernement.
Vivant depuis plusieurs années en Suisse, ces étudiants américains ne sont pas forcément d'accord avec la perception qu'ont les Suisses, ou plus largement les Européens, de leur politique. "Je trouve que le regard des Suisses est un peu biaisé", estime Nicky.
"C’est devenu une blague", constate-t-elle. "Les Suisses rigolent quand on parle de Trump. Mais pour nous c’est important, parce que c’est notre pays, c'est notre gouvernement."
Nicholas se veut rassurant: "En discutant avec des Suisses, j'ai pu changer leur vision et leur montrer que ce n'est pas toujours nécessairement "Les Etats-Unis en premier".
Seule Phoenix semble s'accommoder du point de vue helvétique: "Ici, la plupart de mes amis suisses n'aiment vraiment pas Trump. Donc je suis totalement d’accord avec leur vision."
Mouna Hussain
"Trump fait du mieux qu'il peut pour notre pays"
Impossible d'aborder la présidentielle américaine sans parler de Donald Trump. Et c'est bien ce qui exaspère Phoenix: "Je n'aime pas débattre de politique américaine parce qu'on va me parler de Trump, et ça me met en colère."
Oliver, lui, se dit indifférent: "Je sais que ce président est clivant, soit les gens l'adorent, soit ils le haïssent. Moi je n'ai pas d'avis sur lui."
Même s'il n'est pas d'accord avec toute sa politique et qu'il ne le trouve pas aussi professionnel que ses prédécesseurs, Nicholas n'a pas peur d'une possible réelection de Donald Trump: "C'est tout à fait possible. Beaucoup de gens le soutiennent et je comprends pourquoi. Je sais qu'il fait de son mieux pour le bien de mon pays, donc je ne m'inquiète pas."