Le Sinn Fein est devenu le week-end dernier la deuxième force au Parlement irlandais, juste derrière le Fianna Fail, un des deux partis de centre-droit qui se partagent habituellement le pouvoir.
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Le Sinn Fein a pour objectif la réunification de la République d'Irlande avec la province britannique d'Irlande du Nord. Le sujet est revenu dans l'actualité avec le Brexit, auquel s'est opposée la majorité des habitants de la province britannique.
"Il est très difficile de savoir si la réunification pourra avoir lieu en 2025. Au cours des trois dernières années, des positionnements se sont fondamentalement modifiés avec le Brexit. Il y a énormément d'inconnues. On ne sait pas l'impact que va réellement avoir le Brexit. On sait par contre que la réunification va être la priorité du Sinn Fein", explique Agnès Maillot, maître d'enseignement à la Dublin City University, dans l'émission Tout un monde.
Au coeur du parti
Lors des législatives, le Sinn Fein n'a pas pu obtenir une majorité de sièges au Parlement, faute d'avoir présenté un nombre suffisant de candidats. Ce qui n'empêche pas la cheffe du parti, Mary Lou McDonald, 50 ans, d'envisager de devenir cheffe du gouvernement si elle réussit à s'allier avec d'autres partis.
"Très peu d'électeurs ont voté spécifiquement sur la réunification. Les priorités des citoyens, dans cette élection, étaient le système de santé publique et le logement. Une personne qui vote pour le Sinn Fein ne vote pas forcément pour la réunification, mais a conscience qu'elle est au coeur du programme du parti. C'est le seul, en Irlande, qui a une représentation des deux côtés de l'île", relève Agnès Maillot.
Le Nord divisé en deux
La majeure partie de l'île d'Irlande s'est séparée de la Grande-Bretagne en 1921, mais six comtés du nord sont restés partie intégrante du Royaume-Uni, formant la province d'Irlande du Nord.
Pour l'ancien Premier ministre irlandais Bertie Ahern, un référendum sur la réunification est "inévitable". Mais la cheffe du petit parti unioniste nord-irlandais DUP, Arlene Foster, n'est pas du même avis. Elle a rappelé que seul le ministre britannique chargé de l'Irlande du Nord pouvait convoquer un tel référendum "s'il semble probable qu'il y ait le soutien d'une majorité de personnes" dans la province britannique.
Le succès du Sinn Fein était inattendu et la réunification semble être dans l'ordre des choses
Selon un sondage réalisé par le conservateur britannique Michael Ashcroft en septembre 2019, l'Irlande du Nord est divisée en deux: 45% voteraient pour le maintien dans le Royaume-Uni, et 46% pour le rattachement à la République d'Irlande, le reste étant indécis.
Côté République d'Irlande, le soutien à la réunification est massif: selon un sondage Panelbase réalisé pour le Times en début du mois, quatre Irlandais sur cinq y sont favorables, dont 40% dans la décennie à venir.
"Dans l'ordre des choses"
"Le succès du Sinn Fein, avec une telle ampleur, était inattendu", assure Agnès Maillot. Le parti a longtemps été considéré comme la branche politique de l'IRA, l'Armée républicaine irlandaise, qui menait des actions militaires contre la présence britannique en Irlande du Nord.
"Certains membres du parti revendiquent encore leur passé avec une certaine fierté. Nous ne sommes pas complètement passés d'un moment de l'histoire où le Sinn Fein était étroitement associé à l'IRA à un moment où le parti est entièrement affranchi de sa propre histoire récente et du conflit", explique Agnès Maillot, auteure de l'ouvrage "L'IRA et le Conflit nord-irlandais" (Presses universitaires de France).
La spécialiste estime qu'il est ardu de faire des spéculations sur la réunification. "Cela semble quand même dans l'ordre des choses, mais à quelle échéance? Difficile de le déterminer", reconnaît-elle.
gma avec agences