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"Pékin a pris des mesures drastiques, nécessaires en début d'épidémie"

Géopolitis: Alerte virus [Keystone - EPA/MATTEO BAZZI]
Alerte virus / Geopolitis / 27 min. / le 16 février 2020
Le nouveau coronavirus, baptisé Covid-19, met la Chine sous pression: plus de 50 millions de personnes confinées, des pans entiers de l'économie paralysés et un mécontentement grandissant qui fragilise le pouvoir.

Depuis un mois, la Chine s'est placée en état de guerre sanitaire pour combattre l'épidémie qui a éclaté dans la région de Wuhan. De nouveaux hôpitaux construits en un temps record, des millions de Chinois soumis à des restrictions de déplacement, le pays et le régime semblent suspendus à l'évolution du Covid-19, cette nouvelle maladie qui a déjà fait plus de 1300 morts et contaminé 60'000 personnes, selon les autorités chinoises.

Pour Sylvie Briand, directrice du département pandémies et épidémies de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), "la Chine a pris des mesures drastiques qui étaient nécessaires au début de cette épidémie car on ne connaissait pas ce virus et on voyait juste qu’il était en train de se transmettre extrêmement rapidement". La docteure Briand précise dans l'émission Géopolitis que ces mesures ont permis de ralentir la propagation du virus: "les études montrent qu'on a gagné quelques jours, et quelques jours dans ce genre d'épidémies, c’est très important."

Discipline et sens civique

Si le Covid-19 touche aujourd'hui 24 autres pays dans le monde, c'est bien la Chine qui compte toujours l'écrasante majorité des cas de contamination et de décès. "Cela demande un énorme courage de la part des autorités chinoises mais aussi de la population qui s’est soumise à cette quarantaine avec beaucoup de conscience civique", souligne Sylvie Briand. "On doit tous être reconnaissants pour tout ce que ces millions de Chinois ont fait pour nous."

On doit tous être reconnaissants pour tout ce que ces millions de Chinois ont fait pour nous.

Sylvie Briand, directrice du département pandémies et épidémies, OMS

Plus d'une trentaine de compagnies aériennes ont suspendu leurs vols dans la région, tous les pays limitrophes ont bouclé leurs frontières. Les mesures prises dans le pays mais aussi dans le monde pèsent sur les prévisions de croissance de la deuxième économie de la planète. La Banque centrale chinoise a d'ailleurs annoncé vouloir injecter l'équivalent de près de 170 milliards de francs pour venir en aide aux entreprises.

Le Parti communiste sous pression

Les autorités de la province de Hubei, épicentre du virus, sont accusées d'avoir minimisé l'ampleur de l'épidémie à ses débuts et d'avoir réduit au silence les premiers médecins qui avaient lancé l'alerte. Li Wenliang était l'un d'entre eux. Sa mort a provoqué une vague de contestation et de colère sur les réseaux sociaux. Le régime doit faire face à des critiques de plus en plus vives. Pour le Parti communiste chinois, il est impératif de réussir à stopper la propagation de la maladie afin de montrer à sa population qu'il est capable d'assurer sa sécurité.

Le gouvernement a largement médiatisé la construction et l'ouverture de nouveaux hôpitaux, sortis de terre en quelques jours. Des contrôles de températures ont été mis en place partout, même dans les provinces les plus éloignées du foyer de l'épidémie, même à l'entrée des habitations privées. "Les taux de mortalités attachés à ce virus tournent autour des 1-2%", explique Sylvie Briand. "Pour l'instant, c'est moins que pour le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère, qui a tué 770 personnes en 2002-2003) mais le virus actuel est plus transmissible. Donc on aura plus de gens touchés et en nombre absolu, plus de morts."

Une très grave menace

Pour l'OMS, cette nouvelle épidémie constitue une très grave menace pour le monde. C'est le troisième nouveau coronavirus à émerger depuis le début du siècle, après le SRAS et le MERS (syndrome respiratoire du Moyen-Orient, qui a fait 860 victimes depuis 2012). Pour Sylvie Briand, "il faut s’attendre à une accélération des phénomènes épidémiques. On le voit depuis le début de ce siècle, on a eu un certain nombre d'alertes, entre la grippe pandémique, Zika, Ebola et bien d'autres fléaux. C'est parce que les gens voyagent beaucoup plus et donc les virus aussi. Et nous sommes aussi dans des modes de vie très urbains où il y a une forte concentration humaine, ce qui favorise les échanges de maladies."

En parallèle du nouveau coronavirus, l'OMS suit aussi de nombreux foyers épidémiques dans le monde qui ne font pas la une des médias. Comme le virus Ebola qui continue de tuer en République démocratique du Congo: 3400 personnes ont été infectées depuis 2018, plus de 2200 n'ont pas survécu au virus.

Elsa Anghinolfi

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