L'or est un métal stable, très résistant à la corrosion et qui présente une bonne conductivité électrique et thermique. Réputé pour la bijouterie, il est aussi utilisé dans le domaine médical, en chimie, dans l'industrie et dans l'électronique. Près de 70% de l'or atterrit en Suisse pour y être raffiné.
Le canadien Barrick est le plus grand groupe minier d'or au monde. Via sa société britannique Acacia Mining, il possède la mine de Nord-Mara en Tanzanie, dont il extrait dix tonnes d'or par an. Le métal est raffiné notamment par l'indien MMTC-PAMP, qui lui-même fournit des centaines d'entreprises, dont Apple, Canon et Nokia.
Située près de la région des Grands Lacs, la mine d'or de Nord-Mara a été en proie à la violence pendant une vingtaine d’années. Depuis, elle est entourée d’un rempart de deux mètres de haut et gardée comme une forteresse. Pollution, violences et viols sont dénoncés.
Les problèmes observés
Les journalistes de Green Blood Project ont décidé de poursuivre l'enquête de Jabir Idrissa, rédacteur en chef de "MwanaHalisi" et "Mavio". Ses deux hebdomadaires ont été suspendus durant l'été 2017, sur décision du ministre de l'Information national, suite à des révélations de cas de violations de droits humains et de corruption en lien avec la mine de Nord-Mara.
Les expropriations: de nombreux villageois, qui étaient auparavant de petits exploitants miniers, ont été expropriés sans être dédommagés correctement. Pour subvenir à leurs besoins, ils pénètrent dans la mine la nuit, en escaladant le mur. Surnommés les "intrus", ils sont chassés violement par les gardes de la mine.
Les homicides: 22 "intrus" ont été tués par des gardes de la mine ou des policiers depuis 2014 selon les associations Mining Watch et RAID. Depuis 2016, les fusillades seraient moins nombreuses mais les passages à tabac seraient plus fréquents.
Les viols: des femmes s'introduisent également dans la mine la nuit. Au moins treize d'entre elles auraient été violées par des gardes.
Les intimidations: depuis que John Magufuli a pris la présidence du pays en 2015, la publication de données "fausses, mensongères, trompeuses ou inexactes" est passible de plus de 3 ans de prison. La Tanzanie a ainsi perdu 25 places au classement mondial de la liberté de la presse de RSF. Quant au principal opposant à la politique minière du gouvernement Tundu Lisu, il a reçu six balles dans l'estomac.
La pollution: en 2009, une étude révèle quel'eausituée dans les environs de la mine renferme de grandes quantités d'arsenic. Acacia Mining l'a expliqué par un déversement accidentel des rejets dans une rivière. En 2015, une analyse de l'eau menée par un expert du gouvernement kenyan constate "des niveaux de nitrates et de nitrites impropres à la consommation animale".
Les résultats de l'enquête Green Blood
Les homicides: "Ce sont des policiers qui essentiellement tirent sur les villageois", assure un journaliste kényan préférant garder l'anonymat. L'équipe de Green Blood a enquêté sur le cas de Samuel Machugu, un "intrus" abattu d'une balle dans la tête. Officiellement, il serait mort après avoir été battu, pourtant l'ami qui l'accompagnait dans la mine assure qu'un policier a tiré sur eux sans tirs de sommation. "Le docteur voulait écrire qu'il avait été tué par balle, mais la police a refusé", explique le neveu de la victime. L'équipe de Green Blood a rencontré le ministre des Mines, qui les a invités à discuter avec le ministre de l'Intérieur, en charge de la police, mais celui-ci ne leur a jamais répondu. Les journalistes ont rencontré deux familles d'autres victimes qui assurent n'avoir jamais été dédommagées.
Les viols: les journalistes ont pu obtenir plusieurs témoignages qui se corroborent: les femmes qui se font attraper par les gardes dans la mine sont jetées dans un véhicule, amenées dans un endroit isolé, déshabillées de force, frappées et violées. "Ils nous répondaient qu'ils avaient passé trop de temps sans toucher une femme", confie une victime, désormais ostracisée par le reste du village. Quoique la plupart de ne savent pas lire, toutes les victimes rencontrées disposent de documents signés stipulant qu'elles renoncent à des poursuites en échange d'une compensation financière (13,9 millions de shillings tanzanien - 5800 francs dans un cas). L'entreprise Acacia Mining assure que “les contrats ont été rédigés conformément aux recommandations des Nations Unies".
>> Confronté à ces accusations, le PDG de Barrick, Mark Bristow, a répondu: "Dans ces environnements sociaux compliqués, il y a toujours des problèmes qu'il faut régler. Au final que voulez-vous que je fasse?" Quant au raffineur MMTC-PAMP, il assure que les violations de droits humains "sont en grandes parties anciennes et liées aux activités de la police".
La pollution: il y a un an, les autorités ont condamné Acacia Mining à une amende de 5,6 milliards de shillings tanzaniens (2,1 millions d'euros) pour pollution présumée en provenance du bassins de stockage. Le gouvernement tanzanien a reconnu sa part de responsabilité "en croyant systématiquement" la mine.
A noter encore que selon les enquêteurs de Forbidden Stories, l'or de la mine de Nord-Mara est aussi raffiné par l'établissement tessinois Argor-Heraeus.