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Les Allemands ont le "droit de choisir leur mort", selon la Cour constitutionnelle

La substance utilisée pour le suicide assisté. [Keystone - Alessandro Della Bella]
Les Allemands ont le "droit de choisir leur mort", dit la Cour constitutionnelle / Le 12h30 / 2 min. / le 26 février 2020
Saisie par des associations allemandes et suisses, la Cour de Karlsruhe juge inconstitutionnelle une loi de 2015 interdisant l'assistance au suicide par des médecins ou des associations.

C'est une décision cruciale dans un pays où l'Eglise catholique reste très influente.

La loi, aujourd'hui déclarée contraire à la Constitution, privait les patients en phase terminale du "droit de choisir (leur) mort", a estimé Andreas Vosskuhle, président de la Cour constitutionnelle fédérale de Karlsruhe.

"Ce droit inclut la liberté de s'ôter la vie et de demander de l'aide pour le faire", a-t-il ajouté.

Mais cela ne signifie pas que l'aide active au suicide soit autorisée. Pas question donc d'une piqûre qui donnerait la mort, mais la mise à disposition d'un médicament à un patient qui le prendrait lui-même ne doit plus être poursuivie pénalement.

Depuis 2015, les signaux étaient contradictoires

En 2015, le Bundestag, au terme d'échanges passionnés, avait banni l'assistance "organisée" au suicide, passible de trois années de prison, ainsi que la promotion du suicide assisté.

Mais deux ans plus tard, la Cour administrative de Leipzig, plus haute juridiction administrative allemande, avait rendu une décision surprise. Les juges avaient considéré que "dans des cas exceptionnels, l'Etat ne peut empêcher l'accès d'un patient à des produits anesthésiques qui lui permettraient de se suicider de manière digne et sans douleur".

Ce tribunal avait été saisi par le mari d'une femme entièrement paralysée en 2002 par un accident et qui avait dû aller en Suisse pour bénéficier d'un suicide assisté en 2005.

L'application de cette décision était cependant bloquée depuis deux ans, sur instruction du ministère de la Santé à l'Institut fédéral des médicaments, qui a dû refuser "plus de cent demandes de malades", selon l'agence DPA.

Le ministre conservateur de la Santé, Jens Spahn, "doit à présent renoncer à son opposition à la remise des médicaments nécessaires", a réagi la vice-présidente du groupe social-démocrate au Bundestag, Bärbel Bas.

Une aide non subordonnée à un diagnostic de maladie incurable

Selon la Cour, le législateur dispose d'un "large éventail de possibilités", telles que des obligations d'information et d'attente, pour réglementer l'assistance au suicide. Mais, a-t-elle ajouté, l'aide ne doit pas être subordonnée au diagnostic d'une maladie incurable.

"Nous pouvons regretter la décision (d'un malade de choisir de mourir), nous pouvons tout essayer pour le faire changer d'avis, mais nous devons finalement accepter sa libre décision", a fait valoir le président de la Cour.

L'Eglise catholique avait mis la pression sur les juges de Karlsruhe. L'archevêque de Berlin, Mgr Heiner Koch, avait mis en garde au début des débats en avril contre tout "changement du système de valeurs" par la Cour et dit espérer "un signal fort pour la protection de la vie".

L'assistance médicale à la fin de vie est en revanche soutenue par plus de huit Allemands sur dix (81%), selon un sondage Infratest-Dimap.

afp/ddup

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Des lois fort différentes en Europe

Sur le sujet du suicide assisté, des disparités perdurent entre pays européens. Trois ont légalisé l'euthanasie: Pays-Bas, Belgique et Luxembourg.

D'autres, comme la Suisse, la France, les pays scandinaves ou encore la Grande-Bretagne, l'Espagne ou le Portugal tolèrent eux une forme d'aide à la mort, avec l'administration de traitements antidouleur aboutissant à abréger la vie d'un malade incurable.

Les pays à forte tradition catholique, tels que l'Irlande ou la Pologne, restent réfractaires à toute aide à la mort. En Italie en revanche, la Cour constitutionnelle a dépénalisé en septembre le suicide assisté.