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"Sur internet, la surveillance devient imperceptible"

Géopolitis: Tous tracés [REUTERS/AdobeStock - Bobby Yip]
Tous tracés / Geopolitis / 26 min. / le 8 mars 2020
Le moindre clic révèle des informations sur les centres d'intérêt et l'existence des internautes qui deviennent les acteurs de leur propre surveillance et alimentent un immense marché. L'analyse du journaliste Olivier Tesquet, spécialiste des nouvelles technologies.

Montres connectées, assistants vocaux, caméras de surveillance intelligentes, les technologies du numérique se développent dans tous les secteurs de la société et deviennent progressivement indispensables au quotidien. Les utilisateurs de smartphones toucheraient leur appareil plus de 2600 fois par jour. Pour Olivier Tesquet, auteur du livre "A la trace" et invité de l'émission Géopolitis, ces outils officiellement conçus pour nous faciliter la vie sont en train peu à peu de nous échapper.

"Quand on parle de surveillance, on imagine des dispositifs régaliens, des filatures à l’ancienne, des espions avec des chapeaux mous et des imperméables", analyse ce journaliste spécialisé dans les questions numériques pour le magazine Télérama. "En fait, aujourd'hui, la surveillance dans laquelle nous vivons est assez gazeuse dans le sens où elle est inodore, incolore. On ne la perçoit pas nécessairement comme une surveillance."

L'historique des moteurs de recherche sur internet mais aussi les interactions sur les réseaux sociaux permettent d'obtenir d'innombrables informations sur les centres d'intérêt ou même les convictions politiques des internautes. Ces informations servent à établir ce que le journaliste appelle des "doubles numériques". Une forme de profilage virtuel utilisé pour adapter des contenus publicitaires mais aussi de plus en plus à des fins sécuritaires.

Vos photos de vacances pour vous identifier

Trois milliards de photos de visages postées sur les réseaux sociaux, sur des sites d'entreprises ou d'universités ont été téléchargées par une start-up américaine nommée ClearView, selon les révélations du New York Times. Cette entreprise, encore inconnue il y a quelques semaines, utilise ces clichés couplés à de la reconnaissance faciale pour identifier des personnes filmées par exemple par des caméras de surveillance. "A titre de comparaison, cela représente sept fois et demie plus de données que la base de reconnaissance faciale du FBI qui est l’une des plus fournies", indique Olivier Tesquet. "Clearview a ensuite vendu ses services à des forces de police de manière assez discrétionnaire. On voit là le côté très toxique, nocif de cette clandestinité parce que cela échappe complètement au débat public et à la régulation."

Les progrès de l'intelligence artificielle et des technologies numériques permettent de capter et d'analyser des quantités de données de plus en plus importantes qui, comme dans le cas de Clearview, peuvent être revendues à des services étatiques ou à des entreprises, formant ainsi un véritable marché de l'information très rentable pour les fameux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft). "La véritable matière première, plus que nos données qui sont finalement assez désincarnées, ce sont nos existences. On devient la matière première utilisée pour prédire nos comportements, anticiper ce que l'on va faire, modeler nos désirs et nous faire répondre à une série d'attendus sociaux", soutient Olivier Tesquet.

Les données de santé et biométriques sont les données les plus protégées car ce sont celles qui valent le plus d'argent

Olivier Tesquet

Mais la collecte de données s'étend aussi à de nouveaux secteurs jusqu'ici relativement épargnés, comme la santé. "Les données de santé et les données biométriques sont les plus protégées car ce sont celles qui valent le plus d'argent", souligne l'auteur d'"A la trace". Les plus grosses entreprises actives dans le numérique investissent d'ailleurs dans ce domaine. Google a signé des partenariats avec des hôpitaux américains et britanniques pour traiter des données de patients. Amazon a racheté l'entreprise américaine Pillpack, spécialisée dans le conditionnement et l'envoi de médicaments.

La reconnaissance faciale, l'intelligence artificielle mais aussi la mise en place de la 5G ouvrent de nouvelles perspectives pour, par exemple, sécuriser les modes de paiement, accélérer l'identification de criminels ou la mise sur le marché des véhicules autonomes. Mais ces innovations suscitent aussi beaucoup d'interrogations en ce qui concerne la protection des données personnelles. Pour Olivier Tesquet, "on devrait avoir une délibération collective autour des orientations technologiques et techniques qui sont des choix politiques dans une société."

Elsa Anghinolfi

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"Le déploiement de la 5G ressemble à une aberration écologique"

En Suisse, le débat sur la mise en place d'antennes 5G tourne autour de questions de santé publique. Une initiative a d'ailleurs été lancée en octobre pour limiter le déploiement de cette technologie. Mais pour Olivier Tesquet, un autre aspect doit aussi être pris en considération: "Nous sommes dans une époque où on nous dit - et des études le prouvent - que l'impact sur l'environnement du numérique est assez désastreux. C’est très énergivore et polluant. De ce point de vue-là, le déploiement de 5G ressemble à une aberration écologique."

Ce spécialiste des questions liées aux nouvelles technologies estime aussi que la 5G peut être considérée comme "une aberration technologique" car sa mise en place servirait surtout à augmenter le nombre d'objets connectés et à automatiser, par exemple, la vidéo surveillance.