"Nous avons décidé, avec effet immédiat, de ne plus empêcher les réfugiés syriens d'atteindre l'Europe par voie terrestre ou maritime", a confié à l'agence de presse Reuters un haut représentant turc, s'exprimant sous couvert d'anonymat. Il a ajouté que l'accueil des réfugiés était un fardeau "trop lourd à porter pour un seul pays", quel qu'il soit.
Dans l'optique d'une possible arrivée de réfugiés en provenance d'Idlib, la police, les garde-côtes et le personnel turcs de sécurité aux frontières ont reçu l'ordre de se retirer des passages terrestres et maritimes qu'ils utilisent.
Accord avec l'Europe menacé
La Turquie a appelé par le passé l'Europe à faire davantage pour remédier à la crise à Idlib, et Recep Tayyip Erdogan a prévenu l'an passé que son pays pourrait "ouvrir la porte" aux réfugiés si l'Europe échouait à agir.
Dans le cadre d'un accord conclu entre Ankara et Bruxelles en 2016, l'Union a fourni plusieurs milliards d'euros d'aide à la Turquie pour que celle-ci endigue les migrations vers l'Europe. Elle a accueilli 3,7 millions de réfugiés syriens depuis le début du conflit, répétant à plusieurs reprises qu'elle ne pouvait en accueillir davantage.
En mettant à exécution sa menace, la Turquie rompra l'accord et pourrait pousser les puissances occidentales à s'impliquer dans les débats sur Idlib, au détriment des négociations entre Ankara et Moscou.
Plus de cent civils tués en février
Appuyée par l'aviation russe, l'offensive des forces syriennes pour reprendre la province d'Idlib aux rebelles soutenus par Ankara a fait près d'un million de déplacés depuis décembre dernier, dont beaucoup cherchent à passer en Turquie.
Tandis que les affrontements s'intensifiaient sur plusieurs fronts jeudi, les Nations unies ont souligné que ces combats avaient des conséquences humanitaires "catastrophiques", avec au moins 134 civils dont 44 enfants tués au cours du seul mois de février et des écoles et des hôpitaux détruits.
Jeudi soir, le président turc a tenu une réunion d'urgence avec ses conseillers pendant plusieurs heures pour discuter de la frappe aérienne qui a alourdi à 54 le nombre de soldats turcs tués depuis le début du mois. L'OTAN, à laquelle appartient la Turquie, doit en outre se réunir ce vendredi à la demande des autorités d'Ankara.
Reuters/vic
L'UE appelle la Turquie à respecter ses engagements
L'Union européenne attend de la Turquie un "respect de ses engagements" pris dans le cadre du pacte migratoire conclu en 2016, a déclaré vendredi la Commission, réagissant à des propos d'un haut responsable turc sur les migrants qui essayent de se rendre en Europe.
"De notre point de vue, l'accord tient toujours et nous attendons de la Turquie qu'elle respecte ses engagements", a déclaré un porte-parole, Peter Stano, lors d'un point de presse quotidien.
La Grèce renforce ses patrouilles
La Grèce a annoncé vendredi avoir renforcé ses patrouilles à la frontière avec la Turquie, après l'annonce par cette dernière qu'elle n'empêcherait plus les réfugiés de se rendre en Europe.
Selon une source policière grecque, le nombre de patrouilles a été doublé et un appel à la mobilisation générale a été passé en interne. Une autre source, au sein de l'armée cette fois, a indiqué qu'environ 300 réfugiés avaient été repérés du côté turc de la frontière, dans la région d'Evros (nord-est). "Ce chiffre ne sort pas de l'ordinaire", a tempéré l'officier.
Crainte de nouvel afflux sur les îles grecques
La Grèce et ses partenaires européens craignent un nouvel afflux de réfugiés de Syrie. En 2015, plus d'un million d'entre eux étaient arrivés en Europe, jusqu'à un accord entre l'UE et la Turquie pour réguler leurs déplacements. La Grèce a déjà des difficultés à s'occuper des milliers de demandeurs d'asile coincés dans le pays parfois depuis plusieurs années, surtout sur ses îles, où les camps sont surpeuplés et les conditions de vie insalubres.
Plus de 38'000 migrants et réfugiés s'entassent dans des camps sur les îles de Lesbos, Chios, Samos, Leros et Kos, alors que ces installations ne sont prévues que pour 6200 personnes. Quelques centaines d'entre elles ont été renvoyées en Turquie et seule une poignée d'Etats européens ont accepté des réfugiés de Grèce après la fermeture des frontières européennes en 2016.