La cinquantaine tassée, blonde, habillée sans coquetterie de grosses bottes et d'un treillis militaire, Marika s'affaire dans sa camionnette: à droite les liquides, à gauche les gâteaux et les tartes, au milieu les couvertures. Mais ce ravitaillement n'est pas pour les exilés qui se massent depuis cinq jours à la frontière à quelques mètres de là, il est destiné à l'armée et à la police grecque qui les empêchent d'entrer dans le pays. "On est toutes venues aider, on est unies pour gagner et que personne n'arrive à passer", explique-t-elle.
Large soutien aux militaires
En Thrace, à un jet de pierre de la Turquie, le sentiment d’insécurité est bien ancré au sein d'une population qui a toujours eu un faible pour les militaires. Et la vie des habitants est bouleversée depuis quelques jours: caméras, journalistes armés, gaz lacrymogène… "On est un peu perdus" confie Dimitri, un agriculteur dans la cinquantaine qui a décidé d'appeler à la vigilance pour empêcher que les frontières ne soient violées.
Mobilisation "pour tenir la région"
"Nous, les agriculteurs grecs de la région, on s’organise", explique-t-il. "On emmène nos tracteurs et nos machines pour tenir la région".
La visite mardi du Premier ministre Kiriakos Mistotakis, accompagné de hauts responsables européens dont la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, a mis un peu de baume au coeur de la population. Mais une fois les projecteurs éteints, Marika et Dimitri se demandent ce qui va se passer. Les migrants se sont déplacés au sud, c'est sûr, disent-ils. Mais ils sont toujours là et ils veulent passer.
>> Lire : Soutien européen à la Grèce pour gérer l'afflux de migrants venant de Turquie
Echanges de gaz lacrymogènes de part et d'autre
Et de nouvelles échauffourées ont éclaté mercredi au poste-frontière de Kastanies/Pazarkule. Des migrants ont lancé des pierres en direction des forces de sécurité grecques qui ont riposté en faisant usage de gaz lacrymogènes.
L'envoyée spéciale de la RTS Angélique Kourounis a également vu des gaz lacrymogènes de fabrication turque arriver sur l'armée et la police grecque, qui ont riposté. Elle n'a cependant pas pu voir qui, côté turc, les lançait.
Selon deux membres des services de sécurité turcs et les services du gouverneur local, des tirs à balles réelles des forces grecques ont fait un mort et cinq blessés mercredi à la frontière. "La Turquie sème la désinformation (...) Je démens catégoriquement", a réagi le porte-parole du gouvernement grec.
La crise se joue aussi en mer Egée où les garde-côtes cherchent à tenir à distance les bateaux de migrants et de réfugiés. Un jeune Syrien était déjà mort noyé lundi après un naufrage au large de Lesbos.
Angélique Kourounis/oang
Un navire pour héberger les migrants à Lesbos
Un navire grec est arrivé mercredi sur le port de Mytilène, sur l'ìle de Lesbos, pour héberger des centaines de migrants arrivés ces derniers jours, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Quelque 500 migrants, dont de nombreuses familles avec des enfants en bas âge, étaient rassemblés sur le port, attendant depuis des heures l'arrivée de ce navire pour y embarquer.
"Les instructions sont de les enregistrer, sans possibilité de faire une demande d'asile, et de les conduire sur le navire afin d'être transférés", a déclaré Fotis Garoufalias, président des gardes côtes grecs à Mytilène.
Ankara veut un soutien de l'UE sur la Syrie
Le président turc a affirmé mercredi qu'une résolution de la crise migratoire passait par un soutien européen à Ankara en Syrie.
Recep Tayyip Erdogan avait ordonné vendredi l'ouverture des frontières de son pays, réveillant en Europe la peur d'une crise migratoire similaire à celle de 2015.
Face à ce nouvel afflux, plusieurs dirigeants européens ont dénoncé un "chantage" d'Ankara qui, aux termes d'un accord conclu avec Bruxelles en 2016, s'était engagé à lutter contre les passages illégaux en échange notamment d'une aide financière.
"Si les pays européens veulent régler le problème, alors ils doivent apporter leur soutien aux solutions politiques et humanitaires turques en Syrie", a cependant déclaré mercredi le président turc lors d'un discours à Ankara.
Lors d'une réunion des ministres de l'Intérieur de l'UE à Bruxelles, les Européens ont de leur côté affiché leur solidarité mercredi avec la Grèce et leur fermeté sur la protection des frontières pour empêcher le passage de milliers de migrants, alors que la réponse d'Athènes face à cet afflux suscite des critiques.
L'Europe ne "cédera pas au chantage" migratoire exercé par la Turquie et ses frontières resteront "fermées" aux migrants envoyés par ce pays, a assuré par ailleurs le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian.