Ces mesures draconiennes sans précédent, prises dans le pays d'Europe le plus durement touché par l'épidémie, ont été annoncées en pleine nuit par le Premier ministre, Giuseppe Conte, lors d'une conférence de presse au siège du gouvernement à Rome. Elles s'appliqueront au moins jusqu'au 3 avril.
"Le décret (de mise en quarantaine) sera publié dans quelques heures au Journal officiel et entrera en vigueur" immédiatement, a affirmé Giuseppe Conte. "Nous réussirons" à enrayer l'épidémie, a-t-il promis.
Avec cette décision, l'Italie bascule dans l’inconnu, tout comme ses voisins, la Suisse en premier lieu, qui possède une longue frontière avec la Lombardie. Au Tessin vont rapidement se poser des questions aussi primordiales que l'accès des frontaliers ou le fonctionnement des hôpitaux.
Milan, Venise, Parme, Rimini
Les déplacements pour entrer et sortir de la zone concernée seront strictement limités durant la quarantaine, qui restera en vigueur jusqu'au 3 avril, stipule le décret, dont la teneur avait été révélée dès samedi soir par plusieurs médias italiens.
Milan compte 1,4 million d'habitants et dix millions de personnes vivent en Lombardie, poumon économique et industriel de la péninsule et région la plus touchée avec 3420 cas positifs et 154 morts.
Outre la Lombardie, le décret gouvernemental concerne une partie de la Vénétie (région de Venise) et de l'Emilie-Romagne (région de Bologne), notamment les villes de Parme et Rimini, ainsi que l'est du Piémont.
"Des désagréments"
"Ces mesures provoqueront des désagréments et imposeront des sacrifices. Mais c'est le moment d'être responsables (...) Nous devons protéger notre santé et celle nos proches, de nos parents, mais surtout celle de nos grands-parents, car nous avons découvert que ce sont surtout eux, les plus anciens, qui sont exposés", a affirmé Giuseppe Conte.
A l'intérieur même de la zone de quarantaine, toutes les écoles, les musées, les salles de sport, les théâtres et les centres culturels resteront fermés. Les bars et restaurants pourront rester ouverts, mais seulement de 6h à 18h et à condition de respecter la distance de sécurité d'au moins un mètre entre les clients.
Ces fermetures, sans précédent, sont également valables pour l'ensemble du territoire national, à une différence près: les bars et restaurants restent libres dans leurs horaires d'ouverture.
Les forces de l'ordre pour surveiller
Le décret concernant le nord du pays ordonne également la limitation des déplacements internes: il faudra "absolument éviter tout déplacement à l'exception de ceux motivés par des obligations professionnelles ou des situations d'urgence".
"Les forces de l'ordre seront habilitées à demander" aux citoyens de "justifier" leurs déplacements, a expliqué Giuseppe Conte.
Les magasins devront eux aussi respecter la distance de sécurité entre les clients, et devront même fermer s'ils ne sont pas en mesure de le faire. Leur accès sera également limité de manière à éviter les "attroupements". Alertés par les médias, des habitants de Milan sont sortis samedi soir faire des courses dans des magasins habituellement déserts à cette heure.
L'accès des familles et proches aux hôpitaux, aux services d'urgences et aux structures d'accueil pour personnes âgées sera "limité aux seuls cas prévus par la direction sanitaire de ces établissements", qui sera "tenue d'adopter les mesures nécessaires pour prévenir de possibles infestions".
Dans le cadre professionnel, les réunions de travail devront être reportées et le télétravail devra être privilégié. Dans le domaine religieux, l'ouverture des lieux de culte sera conditionnée à la possibilité d'éviter des attroupements.
233 morts
Avec 233 morts, l'Italie, qui compte 60 millions d'habitants, est à la deuxième place derrière la Chine pour le nombre de décès liés au coronavirus, et à la 3e place derrière la Chine et la Corée du Sud pour le nombre de cas, près de 6000 à ce jour.
Rome avait déjà adopté cette semaine toute une série de mesures draconiennes, notamment la fermeture des écoles et universités jusqu'à la mi-mars dans toute la péninsule.
Le gouvernement avait aussi annoncé samedi le recrutement de 20'000 renforts pour ses hôpitaux, afin de porter de 5000 à 7500 le nombre de lits en soins intensifs, soit une hausse de 50%, et de doubler le nombre de places dans les services de pneumologie et maladies infectieuses.
afp/boi
Les frontières restent pour l'instant ouvertes au Tessin
Le gouvernement suisse a indiqué dimanche suivre de près la situation en Italie après le décret de mise en quarantaine d'une partie du nord du pays.
Les frontières suisses restent pour l'instant ouvertes et il n'y a aucune restriction à l'entrée du pays, y compris au Tessin, alors que quelque 60'000 frontaliers italiens viennent tous les jours y travailler.
Mais l'impact des mises en quarantaines en Italie est encore incertain pour les frontaliers. Selon le décret du gouvernement italien, les déplacements dans la zone en quarantaine devront être limités à "des impératifs professionnels dûment vérifiés et à des situations d'urgence, pour des raisons de santé".
En Suisse, 264 personnes ont été testées positives. Au Tessin, voisin du plus important foyer de l'épidémie en Europe, le nombre de cas continue de croître, passant à 45, selon le dernier décompte officiel publié samedi.
Face à la rapide évolution de la situation, le Tessin a interdit depuis vendredi les rassemblements de plus de 150 personnes et fait appel aux ambulances de l'armée.