Interviewé dans La Matinale, Eric Hoesli estime avant tout que ce changement constitutionnel donne la possibilité à Vladimir Poutine de faire un choix en 2024, année où ses options seront désormais multiples:
"Ce que ce texte propose, c'est un choix qui lui permette de savoir en 2024 s'il souhaite aller vers le Conseil d'Etat, une nouvelle institution créée par ce changement constitutionnel, s'il veut aller à la tête du Conseil de sécurité ou encore s'il veut intégrer le Conseil de la Fédération, dans lequel il peut désormais être nommé à vie (...) S'il veut s'en aller, le texte lui garantit l'immunité et bien sûr, il garde le choix de rempiler à la présidence".
Et de poursuivre: " On sait déjà que sauf grande surprise, le facteur Poutine va continuer à être un facteur décisif pour la politique russe après 2024 (...) mais je ne pense pas qu'on puisse dire aujourd'hui que Poutine sera là jusqu'en 2036, c'est un peu une manière occidentale de voir les choses (...) son intention est de garder une influence et on peut opérer de cette manière-là depuis différentes positions, sans être nécessairement à la présidence".
Une constante depuis l'URSS
Pour celui qui est aussi journaliste, il faut voir ce texte comme une "Constitution Poutine". Un élément qui n'est pas nouveau dans la politique russe et auparavant soviétique: "A l'échelle historique, dans les grandes étapes de l'Union soviétique d'abord, de la Russie ensuite, chaque grand régime a installé sa Constitution. On a eu une Constitution bolchevique en 1924, une Constitution Staline en 1936, une Constitution Brejnev en 1977 et une Constitution Eltsine en 1993."
Dans le système russe, ce sont les dirigeants qui définissent la Constitution, estime l'expert en donnant une formule imagée: "Celui qui est dans le fauteuil dessine en fait la chambre qui est autour".
Une Constitution représentative de l'univers Poutine
Pour le professeur, cette Constitution est en effet représentative de l'univers Poutine car c'est lui qui l'a bâti. Le texte est ainsi patriotique, conservateur et garde une notion social importante.
"Dans la Constitution, on précise que la Russie est un Etat laïc, et qu'il y a séparation des pouvoirs entre l'Eglise et l'Etat et maintenant, on introduit une notion qui dit que la foi en Dieu fait partie du socle de l'idéologie russe (...) on y installe aussi la langue russe et en même temps on renforce les minorités mais surtout, il y a l'échelon social qu'il ne faut pas oublier. On va indexer toutes les pensions. On interdit d'offrir un salaire en dessous du minimum vital, on garantit des prestations aux familles et aux enfants et quand on regarde les sondages aujourd'hui en Russie, c'est ça que les gens voient".
Ces positions permettent donc à Vladimir Poutine de créer une base suffisamment solide en Russie et prête à soutenir ce texte. Néanmoins, ces changements constitutionnels sont aussi créateurs de clivages dans la société russe:
"Une partie de la société, l'élite créatrice urbaine notamment, va avoir beaucoup de mal à digérer cette nouvelle combine", conclut ainsi Eric Hoesli.
>> Revoir également l'analyse d'Isabelle Cornaz:
Propos recueillis par David Berger
Adaptation web: Tristan Hertig