Les pays africains déjà touchés par Ebola seraient mieux armés contre le coronavirus. Depuis des jours, l’affirmation circule alors que l’explosion de l’épidémie de Covid-19 menace le continent africain.
Dans les faits, les experts interrogés nuancent : ce serait un mieux tout relatif. " La détection des infections sera sans doute meilleure mais pas forcément la prise en charge des malades ", répond en substance Valérie D’Acremont, spécialiste en médecine des voyages au CHUV de Lausanne.
"Alternance épidémiologique entre coronavirus et Ebola !" En République démocratique du Congo (RDC), les réseaux sociaux ironisent sur la succession des maladies contagieuses.
Dans ce pays, l’épidémie d’Ebola devrait être officiellement annoncée comme "finie" à la mi-avril. Le premier cas de Coronavirus a été détecté le 10 mars dernier dans sa capitale Kinshasa. Un mal chasse l’autre.
Les testés positifs au Covid-19 s’élèvent désormais à trois en RDC. Le continent africain enregistre pour l’instant moins de 400 cas pour 8 décès dans une vingtaine de pays. Mais le pire est à venir, estime l’OMS.
Ebola a préparé au coronavirus
Les pays d’Afrique de l’Ouest, où Ebola a sévi mais semble maintenant quasi enrayé, sont-ils pour autant prêts à faire face à la nouvelle épidémie ? Le directeur Afrique des programmes d’urgence à l’OMS (Organisation mondiale pour la santé), Michel Yao le prétend : "Les épidémies d’Ebola permettent aux pays africains d’avoir une base pour se préparer au Covid-19".
Un constat optimiste tempéré par l’infectiologue au CHUV Valérie D’Acremont. "Par rapport à la situation d’avant Ebola, les conditions sont meilleures du point de vue de la surveillance et des laboratoires de référence qui peuvent faire des tests."
"En revanche, les structures de santé, elles, n'ont pas beaucoup changé, estime-t-elle. Donc si le facteur limitant est le nombre de gens qui doivent être pris en charge aux urgences, hospitalisés ou intubés, la situation n’a pas tellement changé depuis Ebola."
La professeure Valérie D’Acremont, référence internationale en matière de diagnostics, rappelle qu’il n’y a "aucune raison pour que l’épidémie ne se propage pas de manière massive en Afrique".
Les difficultés de certains pays seraient aussi dues au manque de personnel et de matériel. "Le nombre de professionnels de la santé qui peuvent s’occuper des patients, et la quantité de matériel de soins intensifs à disposition" ne sont pas comparables à celles des pays européens.
Un mieux dans les laboratoires
Directeur du Centre d’enseignement en étude humanitaire de Genève (CERAH), Karl Blanchet confirme cette prévision. Il reste tout aussi prudent sur la préparation due à Ebola.
"Des investissements ont été faits suite à Ebola. Au rayon laboratoires de détection, là, c’est vrai, on est mieux… Mais pas partout. Certains pays d’Afrique francophone vont avoir, à mon avis, des difficultés. Le Tchad, le Niger par exemple", estime Karl Blanchet.
Le directeur du CERAH pointe aussi d’autres pays que la succession des épidémies met sous tension. "Les systèmes de santé de la Guinée Conacry, de Sierra Leone ou du Libéria sortent très affaiblis de la crise Ebola", estime-t-il.
Caméras thermiques aux aéroports
Reste que de nombreux pays touchés par Ebola en Afrique, outre les laboratoires, ont fait un saut technologique en s’équipant de caméras thermiques, notamment dans les aéroports. Cette vigilance permet de dépister tous les passagers d’un même vol en un temps record.
Ces équipements pourront servir à dépister les cas de coronavirus. "Des caméras de température sont postées dans les aéroports, mais les frontières des pays africains sont énormes. La plupart des mouvements humains se font au niveau terrestre sur ce continent", glisse Karl Blanchet qui douche tout enthousiasme. "Je ne pense pas du tout que l’Afrique a été ou va être épargnée".
Xavier Alonso