Des dizaines de milliers de promeneurs, beaucoup portant des masques – comme c'est le cas de toute façon au printemps au Japon en raison des allergies au pollen – se sont pressés ce week-end dans les allées des parcs et des jardins japonais pour admirer la floraison des cerisiers. Certains se sont même adonnés au traditionnel pique-nique sous les arbres, pourtant déconseillé cette année par les autorités.
Il y a dix jours, alors que la floraison commençait au sud du pays, ces dernières avaient renoncé à interdire explicitement le "Hanami", coutume de sortir pour contempler les cerisiers en fleurs et se réunir entre amis ou en famille sous les arbres pour discuter, boire et manger.
"La municipalité souhaite que ses habitants contemplent les fleurs"
"Nous nous sommes interrogés sur ce qu'il faudrait faire cette année. La municipalité souhaite que ses habitants contemplent les fleurs", avait déclaré la semaine dernière Yuriko Koike, la gouverneure de Tokyo, plus grande agglomération du monde avec ses quelque 38 millions d'habitants. "Mais nous voudrions demander aux gens de s'abstenir, par exemple, d'étaler leurs toiles de plastique bleues et de festoyer dans le parc d'Ueno comme chaque année."
La semaine dernière, l'agence de météorologie japonaise, qui surveille de près la floraison des cerisiers, avait déclaré l'ouverture de la saison de floraison à Tokyo. Jamais le signal de départ n'avait été donné aussi tôt depuis que ces statistiques florales ont été instaurées en 1953.
"Je me sens mal lorsque je rate cela"
"Il y a plus de gens que je ne pensais", a commenté un technicien dentaire venu admirer les fleurs dans le parc d'Ueno, près du centre de Tokyo. "Je viens ici chaque année. Je me sens mal lorsque je rate cela". Sur les deux côtés de l'allée principale, des cordons affichant "zones sans pique-nique" limitent les emplacements à disposition des gens pour se rassembler, et des haut-parleurs diffusent des messages mettant en garde contre les rassemblements.
Cette année, même si certains n'ont pas renoncé au pique-nique, les grands rassemblements d'entreprises d'usage pendant le Hanami n'ont pas été observés. Seuls de petits groupes ou des couples sont visibles. "D'habitude, pendant la saison, nous venons chaque week-end, mais cette année nous ne le ferons qu'une fois", explique un grossiste en légumes. "On nous a dit de nous abstenir, mais je voulais faire au moins une fois la fête".
Rare entorse aux recommandations
Au Japon, où le respect des consignes de vie en société est très fort et où les aspirations de l'individu passent souvent après l'intérêt des groupes auxquels il fait partie, il est rare que des recommandations officielles ne soient pas suivies, signe de l'importance extrême de l'expérience du Hanami pour une grande partie de la population.
Dans la culture japonaise, la floraison des cerisiers symbolise la fragilité de la vie, le caractère éphémère de l'existence. Les fleurs ("sakura") ne sont pleinement épanouies que pendant une courte semaine. Leurs pétales s'éparpillent ensuite et forment, sur le sol, une fine pellicule semblable à de la neige fraîchement tombée.
Le Hanami constitue aussi une rentrée d'argent considérable pour les commerces et restaurants qui offrent mets et produits sur le thème de la couleur des délicates petites fleurs. Nombre de touristes planifient leurs vacances en fonction des prévisions du calendrier de la floraison. Des chercheurs de l'université du Kansai (région de Kyoto et d'Osaka) prévoient une chute de près de 40% du chiffre d'affaires des commerces liés aux festivités de Hanami à travers l'archipel cette année.
Epidémie contenue
Avec 1101 cas de contamination au Covid-19 et 41 décès lundi, le Japon figure désormais au 25ème rang des pays les plus touchés par l'épidémie, après avoir occupé l'un des trois premiers rangs derrière la Chine au début de sa propagation. Il fait partie des pays qui sont parvenus à juguler son expansion, à l'instar d'autres pays asiatiques.
Son gouvernement a pris la décision de fermer des écoles, d'interdire les grands rassemblements et d'inciter les entreprises à mettre en place le télétravail, sans toutefois prendre de mesures de confinement strictes.
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afp/Vincent Cherpillod
Le Hanami sans sortir de chez soi
On trouve dans tout le Japon des milliers de cerisiers ornementaux, dans les parcs et jardins ou le long des cours d'eau, jusqu'en plein coeur des plus grandes agglomérations.
A Tokyo figure parmi les sites les plus connus le parc d'Ueno (lire plus haut), le jardin impérial de Shinjuku, le bassin qui borde le parc du Palais impérial à Chidorigafuji, ou encore le parc d'Inokashira, dans la banlieue ouest de la capitale, célèbre pour ses cerisiers pleureurs surplombant un lac.
Vidéos en haute définition
Dans le reste du pays, les parcs qui entourent les châteaux de Matsumae (sur l'ile d'Hokkaido), d'Osaka ou d'Himeji sont célèbres pour leurs cerisiers. A Kyoto, l'ancienne capitale du Japon, les cerisiers qui bordent la rivière Katsura à Arashikawa, ou encore ceux qui s'alignent le long du canal du "Tetsugaku no michi", le chemin de la philosophie, attirent par milliers les amateurs.
Depuis 1990, l'Association des cerisiers du Japon recense même officiellement les cent lieux les plus réputés pour contempler la floraison des cerisiers.
Afin d'inciter les gens à limiter leurs sorties cette année, le site internet météorologique japonais Wheather news a publié une cinquantaine de vidéos de cerisiers en fleur à travers tout le pays, en haute définition et compatibles avec les casques de réalité virtuelle (cliquer sur ce lien pour les visionner).