Modifié

Comment le coronavirus met les Etats-Unis face à leurs contradictions

Donald Trump vignette [RTS]
Les Etats-Unis face au coronavirus / L'actu en vidéo / 3 min. / le 25 mars 2020
Donald Trump multiplie les messages ambigus sur les restrictions mises en place pour lutter contre l'épidémie de coronavirus et promet même un retour à la normale à Pâques. Le système de santé américain paraît pourtant bien fragile face à la crise.

A sa sortie de l'hôpital, une facture de 34'927,43 dollars - soit 33'959 francs suisses - attendait Danni Askini, l'une des premières patientes à avoir été testée et traitée contre le coronavirus aux Etats-Unis. Une somme importante que cette femme de la région de Boston devra payer de sa poche faute d'assurance maladie.

Cette histoire devrait se répéter ces prochaines semaines alors qu'au moins 28 millions d'Américains ne possèdent pas de couverture de santé. Mardi, les Etats-Unis comptaient au moins 600 morts et plus de 50'000 personnes contaminées par le Covid-19, selon le comptage de l'université Johns Hopkins.

Des mesures Etat par Etat

Dans un tel contexte, les gouverneurs de plusieurs Etats, dont la Californie et New York, ont pris des mesures: un tiers des Américains se trouve en confinement pour limiter la propagation du virus et échapper au très redouté scénario catastrophe annoncé par un rapport de l'Imperial College de Londres, selon lequel les Etats-Unis pourraient enregistrer 2,2 millions de décès si rien n'est fait.

>> Lire : New York connaît un "doublement des cas tous les trois jours"

Même Donald Trump a fini par céder. La semaine passée, lui qui n'a jamais caché son scepticisme au sujet des mesures de restrictions contre ce qu'il s'obstine à qualifier de "virus chinois" a ordonné un semi-confinement et initié des mesures d'urgence. Mais il cache mal son impatience.

L'économie d'abord

En plus de ses déclarations à l'emporte-pièce tantôt pour vanter les bienfaits de la chloroquine, tantôt pour annoncer l'arrivée très prochaine d'un vaccin, le président américain publie des tweets à foison, fidèle à lui-même. "Il faudra s'assurer que le remède ne soit pas pire que le mal" et "choisir une direction à suivre au terme de ces 15 jours", a-t-il ainsi indiqué très tard dimanche soir.

Il faut retourner au travail, beaucoup plus tôt que les gens ne le pensent

Donald Trump, président des Etats-Unis

"Nous ne pouvons pas fermer l'économie, le coût est trop lourd pour les individus", a précisé Larry Kudlow, son conseiller économique, sur Fox News.

Alors que la première économie mondiale plonge dans la récession, avec un nombre record de licenciements annoncé pour mars, Donald Trump a dit vouloir un retour à la normale pour Pâques, soit le 12 avril. "Est-ce que ce ne serait pas génial d'avoir toutes les églises pleines? Des églises pleines dans tout le pays?", a-t-il demandé lors de son point presse quotidien à la Maison Blanche.

>> Lire : Avec la pandémie, les affaires de Donald Trump sont elles aussi en péril

Risques sanitaires

Oui, mais un redémarrage trop rapide de l'économie américaine comporterait des risques sanitaires, mettent en garde de nombreuses voix dont le célèbre milliardaire, Bill Gates.

Donald Trump assumerait-il ce sacrifice au nom d'une logique économique? Combien, dans une situation semblable à celle de Danni Askini, renonceraient à se faire soigner et trouveraient la mort? Et surtout, les hôpitaux américains peuvent-ils faire face à un pic épidémique tel que connaît l'Italie?

Certes, le Sénat vient d'adopter un plan de relance économique massif de 2000 milliards de dollars pour venir en aide aux entreprises et soutenir les plus démunis, en versant 1000 dollars à chaque Américain. Des moyens ont aussi été débloqués pour construire des hôpitaux de campagne et rendre gratuit le test de dépistage du coronavirus. Cela suffira-t-il à pallier les carences?

Bataille politique

Dix ans après son introduction, il ne reste plus grand-chose de l'Obamacare, largement détricotée par l'administration Trump. La question du système de santé reste d'ailleurs une des principales pierres d'achoppement entre républicains et démocrates et même entre démocrates.

Face aux errances de Donald Trump, l'ancien vice-président de Barack Obama, Joe Biden, favori pour l'investiture démocrate, a eu beau jeu de sortir de son silence pour inviter le président actuel à se taire et rappeler ses réussites passées, notamment dans la lutte contre Ebola.

A n'en pas douter, l'épidémie qui débarque aux Etats-Unis pourrait bien peser sur l'issue de la présidentielle du 3 novembre.

>> Le sujet de Raphaël Grand, correspondant radio aux Etats-Unis :

Poste destiné aux tests du Covid-19 dans un hôpital de Park Ridge (illinois). [AP/Keystone - Nam Y. Huh]AP/Keystone - Nam Y. Huh
Ce que le coronavirus a changé aux Etats-Unis / Tout un monde / 8 min. / le 24 mars 2020

Article web et vidéo: Juliette Galeazzi, avec Gaspard Kühn (à Washington)

Publié Modifié

La campagne présidentielle entre parenthèses

La lutte contre la propagation de l'épidémie a contraint Donald Trump à interrompre sa campagne électorale et à renoncer à ses meetings. En face, l'ancien vice-président Joe Biden a réalisé un retour en fanfare. Avec 19 victoires sur 27 scrutins de la primaire démocrate, elle aussi chamboulée par le coronavirus, il a rassemblé le camp des modérés et a pris un avantage presque insurmontable face au "socialiste" Bernie Sanders dans la course à l'investiture.

Et contre le Covid-19, Joe Biden n'hésite pas à rappeler son expérience de vice-président de Barack Obama. Il avait alors participé à la lutte contre Ebola et géré le plan de sauvetage de l'économie américaine après la crise financière de 2008. (ats)