"Nous avons sérieusement avancé dans l'enquête concernant le
meurtre de la journaliste Politkovskaïa. A l'heure actuelle, dix
personnes ont été arrêtées. Elles sont sur le point d'être
inculpées", a déclaré le procureur général Iouri Tchaïka lors d'une
rencontre avec le chef de l'Etat retransmise à la télévision.
Il a précisé lors d'une conférence de presse que le principal
exécutant était un Tchétchène, chef d'un groupe criminel opérant à
Moscou et spécialisé dans les meurtres commandités. M. Tchaïka n'a
pas souhaité préciser l'identité des exécutants, ni celle du
commanditaire, reconnaissant seulement la présence, parmi les dix
suspects arrêtés, de membres du ministère de l'Intérieur et du
Service fédéral de sécurité (FSB, ex-KGB).
Berezovski riposte
"Les personnes qui avaient intérêt à éliminer Politkovskaïa ne
peuvent que vivre hors de Russie", a cependant suggéré Iouri
Tchaïka dans une apparente allusion au milliardaire russe Boris
Berezovski, aujourd'hui exilé à Londres. "Le but principal était de
déstabiliser le pouvoir, de discréditer des responsables du pays et
le retour à la situation d'il y a dix ans", quand "tout était
décidé par l'argent et les oligarques", a-t-il ajouté.
Eminence grise du président Boris Eltsine tombée en disgrâce avec
l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 2000, Boris Berezovski
est poursuivi en Russie pour ses appels à renverser l'équipe au
pouvoir au Kremlin. L'homme d'affaires a riposté en accusant le
Kremlin d'être "derrière" le meurtre.
Le procureur général a assuré qu'Anna Politkovskaïa "connaissait
et avait rencontré" le commanditaire. Il a également fait le lien
entre ce meurtre et celui du journaliste américain Paul Klebnikov,
rédacteur en chef de l'édition russe du magazine Forbes en juillet
2004.
afp/sun
La presse reste méfiante
La rédaction de Novaïa Gazeta, le journal d'Anna Politkovskaïa, a accueilli avec satisfaction l'annonce de ces arrestations, un peu moins d'un an après le meurtre en octobre 2006 de la journaliste.
Sergueï Sokolov, rédacteur en chef adjoint du bi-hebdomadaire, a salué le "niveau très professionnel" de l'enquête.
Le Conseil de l'Europe a salué lundi l'arrestation tandis que les ONG de défense de la presse Reporters sans frontières (RSF) et le Comité de protection des journalistes (CPJ) se montraient méfiantes, appelant les autorités russes à donner "plus d'informations".
"Contrairement à ce qu'affirme le procureur général, il y a des personnes, à l'intérieur même du pays, qui avaient intérêt à faire taire Anna Politkovskaïa", a noté RSF.