Lagos, mégalopole tentaculaire, capitale économique du Nigeria, d'ordinaire bouillonnante, vivait mercredi son deuxième jour de confinement. Rues désertes et silence presque assourdissant pour une ville de 20 millions d'habitants dans laquelle le président Muhammad Buhari a décrété l'interdiction de "tout mouvement" depuis lundi soir et pendant au moins 14 jours.
La mesure vaut également pour l'Etat d'Abuja, la capitale, alors que les deux régions enregistrent la majorité de la centaine de contaminations officiellement enregistrées dans le pays le plus peuplé d'Afrique, à savoir 135 cas et deux décès.
Un continent vulnérable
"Aujourd'hui nous menons des opérations de décontamination et le but est d'exterminer le virus du Covid-19", déclare Olufemi Odu, du Département de la santé de Lagos. Désinfecter, confiner, un défi logistique pour des pays dont les moyens sont bien moins importants qu'en Occident. Et le pari peut même sembler insurmontable pour l'Etat le plus peuplé d'Afrique.
Les experts ont à plusieurs reprises mis en garde contre la vulnérabilité de l'Afrique où il existe peu de laboratoires pour effectuer les tests, et qui est déjà confrontée à de nombreux conflits, des systèmes sanitaires médiocres, des bidonvilles surpeuplés comme bombe à retardement potentielle.
Comment appliquer ces mesures strictes dans les bidonvilles où la population s'entasse dans des conditions insalubres? La question se pose sur l'entier du continent où plus de 5700 cas et 190 morts - dont la Tanzanie, le Botswana, la Mauritanie qui ont déploré mardi leur premier décès dû au coronavirus - ont été recensés officiellement, selon un décompte de l'AFP.
Des mesures diverses
Malgré un système de santé plus performant que ses voisins, l'Afrique du Sud a adopté des mesures radicales, notamment la fermeture des frontières et le confinement obligatoire de toute sa population. La Tunisie et le Rwanda ont également choisi cette option lourde - voire impossible - pour les populations les plus pauvres sans assistance de l'Etat.
L'Ouganda a également renforcé ses mesures de protection des populations, le président Yoweri Museveni ayant décrété la veille un arrêt immédiat de toute circulation de véhicules et un couvre-feu nocturne. D'autres comme le Kenya, le Sénégal et la Côte d'Ivoire ont opté pour des mesures moins strictes, état d'urgence et couvre-feu, tout comme la Guinée (20 cas), où les déplacements de Conakry vers l'intérieur du pays viennent d'être interdits.
Une bombe sociale
En Afrique, beaucoup d'habitants vivent au jour le jour pour gagner les quelques francs nécessaires à leur survie. C'est donc plus qu'un problème sanitaire, une situation économique difficile et un contexte social explosif, qui sont amplifiés par l'épidémie.
En suivant les règles imposées, de nombreux habitants n'auront plus d'argent et s'exposent au risque de manquer de nourriture. En Afrique du Sud, la police est déjà intervenue avec la manière forte pour faire respecter le confinement dans certains townships. Au Kenya, il a aussi fallu l'intervention des forces de l'ordre pour faire respecter couvre-feu et fermeture des marchés.
En Centrafrique, pays classé parmi les plus pauvres au monde et ravagé par un conflit depuis 2013, seules six personnes ont été testées positives au coronavirus pour l'instant. Mais, selon l'ONG Norwegian Refugee Council, il n'existe que trois respirateurs pour une population de 4,7 millions d'habitants. Un chiffre qui en dit long sur le désastre que pourrait représenter la propagation massive de la maladie.
asi/jgal/afp