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Les populismes de droite risquent de bénéficier de la crise actuelle

Les partis nationalistes, comme l'AfD en Allemagne,risquent de se trouver renforcés par la crise. [DPA/Keystone - Martin Schutt]
Covid et nationalisme: interview d’Anaïs Voy-Gillis / Tout un monde / 9 min. / le 6 avril 2020
La crise du coronavirus aura inévitablement un effet sur l'ascension des mouvements nationalistes, en Europe et ailleurs. Pour la spécialiste des droites Anaïs Voy-Gillis, le contexte leur est plutôt favorable.

Faute d'élections prochaines, il est encore difficile de voir un impact de la pandémie sur l'attrait des citoyens pour les partis populistes ou d'extrême droite, comme le Rassemblement National en France, l'AfD en Allemagne ou La Lega en Italie.

Mais on peut déjà constater au moins deux impacts, relève Anaïs Voy-Gillis (Institut Français de Géopolitique) lundi dans l'émission Tout un monde: "Premièrement, une augmentation des théories du complot comme dans toutes les crises et notamment les crises sanitaires. Et ça peut créer de la défiance à l'égard des pouvoirs publics et du pouvoir en place, ce qui pourrait être plutôt favorable à ces partis", relève-t-elle.

Le risque d'une mauvaise gestion par l'UE

La deuxième chose, constate cette Docteure en géographie, c'est la manière dont l'Union européenne et les Etats-membres gèrent la crise en commun: "Les Etats ont du mal à s'entendre, à faire preuve de solidarité envers l'Italie et l'Espagne, qui souffrent terriblement (…) Et de la gestion de la crise en commun, de l'action positive ou non de l'Union européenne dans la gestion de cette crise, pourra naître une augmentation des votes en faveur de ces partis, ou non."

Dans un livre qu'Anaïs Voy-Gillis devrait publier le 20 mai aux Editions du Rocher, "L’Union européenne à l’épreuve des nationalismes", Anaïs Voy-Gillis souligne que ces partis - qu'elle préfère décrire comme nationalistes-identitaires - profitent parfois des crises économiques, mais pas toujours. Ces dernières années, ils se sont renforcés dans des économies plutôt en bonne santé.

Des mesures qui plaisent à ces partis

Pourtant, les mesures prises par les Etats pour faire face à la pandémie - fermeture des frontières ou au moins rétablissement des contrôles, fin de l’immigration, interruption des liaisons avec l’étranger, remise en cause de l’Union européenne - devraient contenter ces partis aux tentations populistes.

"Dans l'absolu ce sont des mesures que prônent ces partis depuis longtemps, et notamment la fermeture des frontières", note cette spécialiste des droites. "Sauf que ce sont des mesures qui sont tout à fait temporaires (…) Au moment où elles vont être levées, ils vont pouvoir actionner leur discours en disant 'regardez, finalement, peut-être que le monde a mieux tourné quand on a appliqué nos préconisations'. Ce qui est faux, bien entendu. Le monde, temporairement, leur a coupé l'herbe sous le pied, mais ce n'est que temporaire."

Le risque d'une tendance au repli

La crise économique globale et la récession annoncées risquent aussi de favoriser aussi ces mouvements. "La crise économique de 2008 et sa gestion par les Etats-membres de l'UE a favorisé ces partis et notamment la montée des inégalités", souligne Anaïs Voy-Gillis.

"Et c'est la montée des inégalités qui tend à favoriser les partis nationalistes-identitaires. En France par exemple, remarque-t-elle, si de nombreuses petites entreprises ne survivent pas à la crise, ce sont des territoires entiers qui pourraient se retrouver en situation de déshérence économique. "Il est alors possible que les partis nationalistes-identitaires - avec des solutions pas forcément efficaces - puissent progresser dans ce contexte avec une tendance au repli".

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Propos recueillis par Eric Guevara-Frey/oang

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